PROLONGEMENT

Nous vous proposons ici plusieurs textes, d'origine diverse, pour mener une réflexion à travers la comparaison de deux attitudes face aux lois de la cité...Antigone refuse la loi des hommes, qu'elle juge injuste, se rebelle et assume sa mort; Socrate, condamné par Athènes, reconnaît l'injustice du décret qui le condamne , refuse l'évasion qu'on lui propose pour signifier son devoir de citoyen et assume sa mort...

a) Vous pouvez tout d'abord lire deux très beaux textes de Platon, disciple de Socrate, [Voir séquence sur l'espace, éditée par A.Fillon]qui nous rappelle ici ce que fut son maître: le récit de sa mort, dans sa cellule, dans un dialogue intitulé le Phédon, et plus en avant dans un autre dialogue Le Criton ce que l'on a coutume d'appeler "la Prosopopée des Lois" , passage dans lequel Socrate justifie devant ses amis qui le supplient de s'évader les raisons pour lesquelles il continue d'obéir aux lois de la Cité.

- la mort de Socrate dans le Phédon

- la "Prosopopée des Lois" dans le Criton

b) Vous pouvez lire des commentaires divers pour comprendre le sens à donner à cette attitude qui peut nous paraître paradoxale: savoir une loi injuste et s'y soumettre...Nous vous donnons ici quelques rapides extraits:

Maurice MERLEAU-PONTY : Éloge de la philosophie.

Quand Socrate refuse de fuir, ce n’est pas qu’il reconnaisse le tribunal, c’est pour mieux le récuser. En fuyant, il deviendrait un ennemi d’Athènes, il rendrait la sentence vraie. En restant il a gagné, qu’on l’acquitte ou qu’on le condamne, soit qu’il prouve sa philosophie en la faisant accepter par ses juges, soit qu’il la prouve encore en acceptant la sentence. Aristote, soixante-seize ans plus tard, dira en s’exilant qu’il n’y a pas de raison de permettre aux Athéniens un nouveau crime de lèse-philosophie. Socrate se fait une autre idée de la philosophie : elle n’est pas comme une idole dont il serait le gardien, et qu’il devrait mettre en lieu sûr, elle est dans son rapport vivant avec Athènes, dans sa présence absente, dans son obéissance sans respect. Socrate a une manière d’obéir qui est une manière de résister, comme Aristote désobéit dans la bienséance et la dignité.

Max STIRNER : L’Unique et sa propriété.

Combien n’a-t-on pas vanté chez Socrate le scrupule de probité qui lui fit repousser le conseil de s’enfuir de son cachot ! Ce fut de sa part une pure folie de donner aux Athéniens le droit de le condamner. Aussi n’a-t-il été traité que comme il le méritait ; pourquoi se laissa-t-il entraîner par les Athéniens à engager la lutte sur le terrain où ils s’étaient placés ? Pourquoi ne pas rompre avec eux ? S’il avait su, s’il avait pu savoir ce qu’il était, il n’eût reconnu à de tels juges aucune autorité, aucun droit. S’il fut faible, ce fut précisément en ne fuyant pas, en gardant cette illusion qu’il avait encore quelque chose de commun avec les Athéniens, et en s’imaginant n’être qu’un membre, un simple membre de ce peuple. Il était bien plutôt ce peuple même en personne, et seul il pouvait être son juge. Il n’y avait point de juge au-dessus de lui : n’avait-il pas d’ailleurs prononcé la sentence ? Il s’était, lui, jugé digne du Prytanée. Il aurait dû s’en tenir là, et n’ayant prononcé contre lui aucune sentence de mort, il aurait dû mépriser celle des Athéniens et s’enfuir.

 

c) Vous pouvez lire une approche commentée du Criton pour mieux comprendre l'argumentation de Socrate et ainsi cerner cette notion de πόλις, si chère à Socrate.

 

d) Libre à vous alors de rapprocher Antigone et Socrate si vous préférez voir en eux des désabusés de la vie dans une lecture nietzschéenne... :

" Socrate voulait mourir, ce ne fut pas Athènes, ce fut lui-même qui se donna la ciguë, il força Athènes à la ciguë ".

 

David La Mort de Socrate