Introduction

 

 

Nous empruntons là en guise d'introduction la présentation faite par Jean SIRINELLI:

"Le premier en date de ceux que nous avons conservés est paradoxalement aussi le plus accompli des romans. Il n'a pas les longueurs de Tatius ou d'Héliodore. Il est parfaitement construit, limité dans le nombre de ses personnages, et d'une clarté d'intrigue qui a porté les commentateurs à le comparer, faussement sans doute, aux tragédies.

Nous savons peu de choses de son auteur qui se présente comme le secrétaire de l'avocat Athénagoras. L'histoire qu'il raconte est à la fois simple et compliquée. A Syracuse Callirhoé a épousé Chaeréas. Ils s'aiment mais la jalousie – injustifiée – de Chaeréas le pousse à frapper Callirhoé qui passe pour morte, est enterrée, enlevée par des pillards, vendue à Milet où Dionysios, un noble seigneur, l'achète et l'épouse. Callirhoé a accepté le mariage pour préserver l'enfant de Chaeréas qu'elle porte en son sein. Chaeréas, qui s'est lancé à sa poursuite, arrive à son tour en Ionie, manque y périr. Une sombre affaire oppose, à cause d'elle, Dionysios à un satrape amoureux de Callirhoé. Tout le monde, y compris Chaeréas, se transporte à Babylone où le roi lui-même doit juger le procès. Comme de juste, il tombe amoureux de Callirhoé. Par chance une révolte des Égyptiens interrompt la procédure, permet l'évasion, le salut et la gloire de Chaeréas qui prend la tête des Égyptiens, délivre Callirhoé et la ramène à Syracuse. Dionysios garde, avec son amour, l'enfant de Callirhoé qu'il croit ou feint de croire le sien.

Cette conclusion donnée à une affaire d'amour un peu scabreuse (au regard de la pureté généralement exigée des héroïnes) est menée avec la plus grande délicatesse qui n'exclut pas un soupçon d'humour. Malgré la complication apparente de la donnée, le récit se laisse suivre sans fatigue ni gêne, car les fils conducteurs sont psychologiques et clairement indiqués. Chaeréas regrette son geste et est tout à sa passion qui le jettera dans les plus graves dangers. Dionysios est éperdument amoureux mais plein de délicatesse. Callirhoé est à la fois vertueuse, tendre et raisonnable. L'auteur les suit pas à pas et explique au lecteur tous les mouvements de leur âme."

Au tout début du roman, l'auteur présente comme vraie l'histoire qu'il rapporte,

"Moi, Chariton d'Aphrodise, secrétaire du rhéteur Athénagore, je vais conter une histoire d'amour qui est arrivée à Syracuse".

Il présente ensuite Callirhoé comme une femme d'une beauté exceptionnelle et rapporte que le dieu de l'amour lui-même avait dessiné un plan particulier,

"Mais Éros voulait l'unir à un simple particulier. Il y avait en effet un certain Chéréas, un adolescent d'une grande beauté, qui surpassait tous les autres, et tel que les artistes et les écrivains représentent Achille, Nirée, Hippolyte et Alcibiade; son père était Ariston, qui, à Syracuse, ne le cédait qu'à Hermocrate. Entre eux, existait une inimitié politique telle qu'ils auraient préféré s'allier à n'importe qui plutôt que de s'allier entre eux. Mais Éros est obstiné et se plaît à remporter des succès inattendus; et il chercha une occasion comme celle-ci."

C'est cette occasion là qui vous est rapportée ici!

La Vénus de Milo