Vous avez revu lors de la leçon précédente les différents modes présents dans la conjugaison grecque. Nous allons à l'occasion de cet extrait réfléchir aux valeurs des différents temps et à la notion d'aspect, essentielle dans la langue grecque.

On peut en effet considérer l'action dans son développement- on parle alors d'aspect duratif- ou alors l'exprimer dans une valeur ponctuelle. L'aspect oppose également la subjectivité plus grande des thèmes de présent ou de parfait à l'objectivité relative du thème d'aoriste. Vous comprendrez ainsi qu'en principe on ne peut parler de temps proprement dit, au sens où on emploie ce mot dans la conjugaison française, qu'à l'indicatif et qu'il devient insensé de chercher des correspondances strictes entre les temps grecs et français.

Une première opposition fondamentale existe entre le présent et l'aoriste ; le premier en effet suppose une valeur durative tandis que le second exprime une valeur ponctuelle. Le parfait, caractérisé par des désinences particulières, indique, du moins dans ses acceptions anciennes, un état acquis, lourd d'événements antérieurs. L'imparfait de l'indicatif exprime l'aspect duratif dans le passé et contraste ainsi avec l'aoriste. Le futur, quant à lui, est beaucoup plus proche d'un mode que d'un temps ; il évoque en quelque sorte une virtualité qui tend à se réaliser dans le présent. Il peut être intéressant de noter qu'en grec moderne, le parfait a disparu et qu'en revanche l'opposition présent -aoriste est toujours essentielle et qu'elle s'est même étendue au futur.

Au subjonctif, quand ce mode exprime la volonté, seules les considérations d'aspect permettent d'expliquer le choix entre le présent et l'aoriste. A l'optatif, considéré comme mode du voeu ou de la possibilité, il en est de même.

Nous pouvons également noter que l'infinitif aoriste peut de la même manière être employé sans valeur de temps pour évoquer une action située à un moment quelconque du temps (passé, présent ou futur) ou pour exprimer une détermination générale.

Le choix du temps pour le participe est également complexe. Nous noterons ainsi que le participe présent est fréquemment employé pour exprimer une simultanéité par rapport à l'action du verbe principal ; le participe parfait peut exprimer le même rapport de simultanéité mais avec une nuance d'état plus définitif. Le participe aoriste au contraire prend en charge l'énonciation d'une entrée brusque dans un état nouveau, que cette action soit simultanée ou non.

L'impératif révèle lui aussi l'importance de cette notion d'aspect, puisque seules les considérations qui prennent en compte la manière dont on envisage l'action permettent de comprendre par exemple le choix entre l'impératif présent ou aoriste sans valeur de temps.

 

Quelques exemples :

" Ταῦτά μου λέγοντος" , le participe présent employé dans un contexte au passé (ἔφη) témoigne de la volonté d'insister sur la simultanéité entre les actions évoquées, dans une tournure participiale ; en revanche dans la même phrase, l'auteur emploie le participe parfait παρεστώς moins pour exprimer une action antérieure que pour insister sur la présence forte de ce nouveau personnage.

Le participe aoriste "παθών" est choisi pour l'expression d'un état, qui a pu durer, mais que l'on choisit d'évoquer dans la brutalité d'une action passée.

La question " τί πἐπονθας ; " exprimée au parfait sous entend que les souffrances endurées même si elles appartiennent au passé ont laissé des traces dans le présent. Il en va de même pour le verbe πεφύκασι où le parfait exprime que l'action a commencé dans le passé et se prolonge dans le présent.

La défense est exprimée au subjonctif aoriste "Μὴ κατοκνήσῃς" ; là encore la valeur d'aspect permet d'expliquer que la défense s'exprime soit avec l'impératif présent ou le subjonctif aoriste.