Commentaire |
Ce premier extrait écrit par Pausanias pose notre problématique. Comment peut-on approcher un sculpteur dont on a perdu toute oeuvre? Comment peut-on retrouver un artiste dont la postérité ne repose que sur des copies difficilement authentifiables? Comment peut-on parler aujourd'hui de l'art de Praxitèle? C'est poser alors dans un premier temps le problème des sources littéraires. La biographie de Praxitèle comprend une suite de mystères et d' incertitudes que nous allons tenter de découvrir. "Comment construit-on la connaissance d'un artiste de l'Antiquité? A partir de quelles sources? Qu'est ce que la légende des artistes? En quoi les auteurs anciens ont-ils construit une histoire mythique des artistes de l'Antiquité? Comment le mythe est-il réactualisé à partir de la Renaissance? "(Maryvonne Cassan) " Ce sont là les questions à poser à ce premier extrait. Nos connaissances de Praxitèle sont difficiles; elles proviennent essentiellement de sources littéraires et de fragments épigraphiques qu'il nous faut croiser pour tenter de tracer une esquisse biographique. Base d'une statue de Kleiocrateia
Nous aurons l'occasion au fil des textes de comprendre que la biographie de Praxitèle ne nous est connue que par quelques anecdotes, dont ses amours avec la courtisane Phryné, qui ont surtout nourri l'imaginaire des hommes au cours des siècles. "Aujourd'hui si l'on fait un bilan de notre connaissance de Praxitèle force est de constater qu'elle reste superficielle et que " les oeuvres connues par plusieurs catégories de sources sont très rares; le croisement entre les témoignages littéraires et les inscriptions sorties des fouilles n'est possible qu'exceptionnellement" (Praxitèle, Catalogue de l’exposition, 2007)). Mais Praxitèle a nourri l'imaginaire."( Maryvonne Cassan) Il peut être intéressant de comprendre les difficultés que peuvent d'autre part nous poser les sources littéraires des descriptions fournies par des grands voyageurs comme Pausanias ou Strabon. "Les témoignages littéraires ou épigraphiques, qui ne sont, rappelons-le, jamais de simples descriptions, sont le plus souvent allusifs. Leur surinterprétation est alors dangereuse et peut conduire à une attribution gratuite ou à la création par les modernes de types statuaires imaginaires. Est-il prudent de rechercher les échos de la Catagousa (une "fileuse", une "Perséphone descendant aux Enfers"?), de la Stephanousa ("une femme à la couronne"?), ou de la Pséliouménè ("une femme au bracelet?) citées par Pline dans une phrase dont nous comprenons à peine le sens global." (Jean- Luc Martinez, Praxitèle, catalogue de l'exposition 2007 au Louvre) Ainsi que penser de ce témoignage de Pausanias? "Reconnu le plus souvent dans le type statuaire désigné sous le nom de Satyre verseur dont nous sont parvenues plus de trente répliques en marbre et des représentations sur des reliefs. Confondu pour conforter cette hypothèse avec le Satyre Païs ("enfant") servant à boire à un Dionysos accompagné d'un Eros, oeuvres d'un certain Thymilos, pourtant décrit par Pausanias plus loin dans le sanctuaire de Dionysos et non attribué par lui à Praxitèle. Ce Satyre de la rue des trépieds, pourtant vu par Pausanias à Athènes au IIème siècle après J.C, est considéré par Peter Gerke comme la même oeuvre que le Satyre Périboétos décrit par Pline à Rome un siècle auparavant. Ajoutant à la confusion, ce Satyre de la rue des Trépieds a parfois été rapproché de la réplique du Satyre au repos de Munich sous prétexte que le masque figuré à ses pieds rappellerait la fonction chorégique de la statue primitive." ( Jean- Luc Martinez, Catalogue de l'exposition)
Réplique du Satyre au repos du Musée du Capitole, Rome
Stèle funéraire avec éphèbe et colombe, Marbre, Inv. 1821 : RO I A2, Rijskmuseum, Leyde
Réplique réduite du " Satyre au repos " de Lyon, Inv. 2001.0.325, Musée de la Civilisation Gallo-romaine, Lyon Que dire enfin du style de Praxitèle? "Praxitèle appartient à la génération qui renouvela la pondération en dépassant le contrapposto polyclétéen et en accentuant le hanchement de ses figures; il contribua à rajeunir les types divins, innovant en osant le nu pour Aphrodite ou la jeunesse d'Apollon; introduisant des éléments de paysage à ses compositions, il semble raconter une histoire en tentant timidement la perception de la troisième dimension. Mais ne sont-ce pas là des caractéristiques propres à tout ce mouvement que l'on a qualifié de classicisme car il respectait malgré tout le goût pour des contours clairs et les compositions privilégiant la vue de face? La fortune d'un artiste de l'Antiquité, faute de repère assuré, ne se réduit-elle pas à chercher les échos des différentes reconstitutions de son art que l'on a tentées au fil des siècles? Il y a en effet un vrai danger dans le raisonnement circulaire qui consiste à affirmer l'existence d'un type statuaire en en cherchant les échos. La "critique des copies" ne fait pas autre chose. Les répliques parvenues jusqu'à nous témoignent déjà d'un choix effectué à l'époque romaine dans l'oeuvre de Praxitèle. Quatre à six siècles après sa mort, on avait oublié sa contribution à l'art du portrait ou en matière de sculpture architecturale. Aussi, par la nature même de notre documentation, est-il parfois délicat de distinguer répliques et pastiches. (...) On a essayé de distinguer les "copies", qui reproduisent un original pour en être le substitut, les "répliques" ou "répétitions", qui sont contemporaines des oeuvres, et les "variantes", notion plus difficile et plus subjective, qui suppose des modifications, plus ou moins influencées par le style du temps du copiste, mais qui permettraient malgré tout de reconnaître un type statuaire." Jean-Luc Martinez Catalogue (pages 294-295) |