Commentaire

Ce dernier texte vous permettra, en guise de conclusion, de réfléchir à la célébrité dont pouvait jouir Praxitèle à travers les âges et les régions. Au-delà de l'aspect anecdotique de ces lignes, vous pourrez comprendre combien paraissaient marquantes et fortes les oeuvres du sculpteur, capables de stimuler la passion des spectateurs et l'imagination des écrivains...

Le récit peut également vous renvoyer aux différents mythes dont l'art s'est emparé, sous des formes diverses, pour exprimer le rapport de l'homme à l'oeuvre d'art. On pense tout naturellement en particulier à Pygmalion... sculpteur chypriote de l'Antiquité, qui a créé, selon la légende, une statue de femme d'une telle beauté qu'il en est tombé amoureux. Ayant demandé aux dieux de donner vie à cette statue, la déesse Aphrodite l'a exaucé.

"Pygmalion n’est pas un personnage créé par Ovide puisqu’il apparaît chez Clément d’Alexandrie et Arnobe. Mais leur Pygmalion n’est pas sculpteur, il est roi, et l’histoire est racontée sans aucune description ni de la statue ni de sa métamorphose. La réécriture ovidienne peut alors être considérée comme fondatrice du mythe de Pygmalion, métaphore du mystère de la création artistique et exaltation du pouvoir de l’art : Vénus est sensible à l’amour de Pygmalion pour la statue qu’il a créée et lui accorde vie. La métamorphose qui s’opère devient un hymne à l’art qui non seulement imite le nature mais la dépasse. L’art n’est plus simplement investi du pouvoir d’atteindre la mimesis mais il la transcende. La métamorphose de la statue devient un idéal à atteindre et prend le contre-pied du discours illusionniste sur la création artistique : c’est le vivant qui doit imiter l’art. Le mythe de Pygmalion a connu une fortune exceptionnelle en littérature et dans les arts plastiques." Marie-France Rossignol, (professeure de Lettres, formatrice IUFM Créteil)

 

Anne-Louis Girodet-Trioson
Pygmalion et Galatée, 1819
Huile sur toile - 253 x 202 cm
Paris, Musée du Louvre
© RMN / H. Lewandowski

"La première lecture que l’on peut faire du mythe est directement liée à la question de la création artistique. Pygmalion, sculpteur d’exception (d’une “habileté merveilleuse”) parvient à produire une statue si parfaite dans sa reproduction de la beauté humaine qu’il cède lui-même à l’illusion, et en tombe amoureux. Cette lecture renvoie à la conception antique de la beauté, fondée sur la mimésis. Il importe avant tout que l’œuvre représente le réel, en l’occurrence la “nature”, même si, par son côté merveilleux, elle s’en éloigne. C’est tout le fonctionnement du mythe qui est ainsi exposé: certes, celui-ci ne raconte pas une histoire réaliste, mais par le détour du merveilleux, permet de dire plus sur le réel, et peut atteindre au Vrai. Il y a donc dans cette narration du mythe de Pygmalion une forme de mise en abyme du travail de l’auteur. La perfection formelle,- qui peut paraître aujourd’hui à la limite de l’artifice rhétorique,- alliée au détour par le merveilleux font des Métamorphoses une œuvre “vraie”. Ovide se rattache ainsi à cette tradition antique qui, de l’orphime au pythagorisme, en passant par Platon et ses “mythes”, considère qu’on ne peut dire et connaître le monde que par des moyens détournés ou cachés.

Plus intéressant, peut-être, est le portrait qui est fait de l’artiste. Celui-ci, certes habile, semble cependant dépassé par son œuvre. L’essentiel du court texte d’Ovide est consacré à dépeindre la psychologie du personnage, tour à tour “émerveillé”, cédant à l’illusion, puis conscient de la folie de son attitude, cachant à Vénus même le fond de sa prière. Pygmalion, ainsi, n’est pas qu’une figure de l’artiste créateur, il devient aussi une sorte de représentant du “public”, du spectateur d’une pièce ou du lecteur d’une fiction. Recevoir une œuvre d’art n’est rien d’autre qu’accepter le jeu de la mimésis, et donc l’illusion, tout en restant conscient que l’on participe à un jeu."

 

 

Paul Delvaux

Notons alors que notre héros, par le même fantasme érotique que celui décrit par Ovide, des caresses et des baisers, ne donne pas vie à la statue...C'est lui qui meurt, préférant la vie de l'art à la sienne... On ne peut survivre à la révélation du Beau...