LECTURES COMPLEMENTAIRES |
Voici plusieurs extraits empruntés à des oeuvres de J.J Rousseau, qui vous sont déjà certainement familiers mais que vous découvrirez peut -être avec un autre regard dans l'éclairage de cette thématique de l'âge d'or. a) "Le Préambule" des Confessions "Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi. b) Du Contrat social " La plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle est celle de la famille. Encore les enfants ne restent-ils liés au père qu'aussi longtemps qu'ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Les enfants, exempts de l'obéissance qu'ils devaient au père, le père exempt des soins qu'il devait aux enfants, rentrent tous également dans l'indépendance. S'ils continuent de rester unis ce n'est plus naturellement, c'est volontairement, et la famille elle-même ne se maintient que par convention. c) Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes Les philosophes qui ont examiné les fondements de la société ont tous senti la nécessité de remonter jusqu'à l'état de nature, mais aucun d'eux n'y est arrivé. Les uns n'ont point balancé à supposer à l'homme dans cet état la notion du juste et de l'injuste, sans se soucier de montrer qu'il dût avoir cette notion, ni même qu'elle lui fût utile. D'autres ont parlé du droit naturel que chacun a de conserver ce qui lui appartient, sans expliquer ce qu'ils entendaient par appartenir; d'autres donnant d'abord au plus fort l'autorité sur le plus faible, ont aussitôt fait naître le gouvernement, sans songer au temps qui dut s'écouler avant que le sens des mots d'autorité et de gouvernement pût exister parmi les hommes. Enfin tous, parlant sans cesse de besoin, d'avidité, d'oppression, de désirs, et d'orgueil, ont transporté à l'état de nature des idées qu'ils avaient prises dans la société. Ils parlaient de l'homme sauvage, et ils peignaient l'homme civil. Il n'est pas même venu dans l'esprit de la plupart des nôtres de douter que l'état de nature eût existé, tandis qu'il est évident, par la lecture des Livres Sacrés, que le premier homme, ayant reçu immédiatement de Dieu des lumières et des préceptes, n'était point lui-même dans cet état, et qu'en ajoutant aux écrits de Moïse la foi que leur doit tout philosophe chrétien, il faut nier que, même avant le déluge, les hommes se soient jamais trouvés dans le pur état de nature, à moins qu'ils n'y soient retombés par quelque événement extraordinaire. Paradoxe fort embarrassant à défendre, et tout à fait impossible à prouver. Commençons donc par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question. Il ne faut pas prendre les recherches, dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet, pour des vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels; plus propres à éclaircir la nature des choses, qu'à en montrer la véritable origine, et semblables à ceux que font tous les jours nos physiciens sur la formation du monde. La religion nous ordonne de croire que Dieu lui-même ayant tiré les hommes de l'état de nature, immédiatement après la création, ils sont inégaux parce qu'il a voulu qu'ils le fussent; mais elle ne nous défend pas de former des conjectures tirées de la seule nature de l'homme et des êtres qui l'environnent, sur ce qu'aurait pu devenir le genre humain, s'il fût resté abandonné à lui-même. Voilà ce qu'on me demande, et ce que je me propose d'examiner dans ce Discours. Mon sujet intéressant l'homme en général, je tâcherai de prendre un langage qui convienne à toutes les nations, ou plutôt, oubliant les temps et les lieux, pour ne songer qu'aux hommes à qui je parle, je me supposerai dans le lycée d'Athènes, répétant les leçons de mes maîtres, ayant les Platons et les Xénocrates pour juges, et le genre humain pour auditeur. O homme, de quelque contrée que tu sois, quelles que soient tes opinions, écoute. Voici ton histoire telle que j'ai cru la lire, non dans les livres de tes semblables qui sont menteurs, mais dans la nature qui ne ment jamais. Tout ce qui sera d'elle sera vrai. Il n'y aura de faux que ce que j'y aurai mêlé du mien sans le vouloir. Les temps dont je vais parler sont bien éloignés. Combien tu as changé de ce que tu étais! C'est pour ainsi dire la vie de ton espèce que je te vais décrire d'après les qualités que tu as reçues, que ton éducation et tes habitudes ont pu dépraver, mais qu'elles n'ont pu détruire. Il y a, je le sens, un âge auquel l'homme individuel voudrait s'arrêter; tu chercheras l'âge auquel tu désirerais que ton espèce se fût arrêtée. Mécontent de ton état présent, par des raisons qui annoncent à ta postérité malheureuse de plus grands mécontentements encore, peut-être voudrais-tu pouvoir rétrograder; et ce sentiment doit faire l'éloge de tes premiers aïeux, la critique de tes contemporains, et l'effroi de ceux qui auront le malheur de vivre après toi."
Webographie! a) La Querelle du luxe au XVIIIe siècle, Voltaire, Rousseau, la question du bonheur dont voici un extrait qui vous permettra de comprendre comment une même analyse de l'état de vertu originelle peut conduire à des conséquences opposées... "Rousseau débute la Seconde partie du Discours en proposant que les sciences et les arts prennent racine dans les vices: « L’astronomie est née de la superstition; l’éloquence, de l’ambition, de la haine, de la flatterie, du mensonge; la géométrie, de l’avarice; la physique, d’une vaine curiosité; toutes, et la morale même, de l’orgueil humain » (DSA, 19). Aussi est-il tout naturel que leur effet final soit de corrompre les mœurs. De quelle façon les corrompent-ils? Les sciences et les arts sont liés à l’oisiveté et au désir de se distinguer qui, eux, donnent naissance au luxe; ce dernier cause la « dissolution des mœurs » (DSA, 23) – la perte des qualités guerrières et morales – qui, elle, « entraîne à son tour la corruption du goût » (DSA, 23). Enfin, tous ces abus prennent racine dans « l’inégalité » entre les hommes (DSA, 26) Le luxe est une cause sérieuse de la corruption. Avant d’arriver à la section de son Discours qui expose le rôle du luxe dans la corruption, Rousseau mentionne à trois reprises les liens entre le luxe et les sciences et, surtout, les arts. À certains endroits, le luxe est un effet des sciences et des arts et, à d’autres, il est la cause de leur développement. Comme les lettres et les arts, le luxe est « né de l’oisiveté et de la vanité des hommes. Le luxe va rarement sans les sciences et les arts, et jamais ils ne vont sans lui » (DSA, 21). Ellen Ross propose que le luxe est chez Rousseau presque synonyme des sciences et des arts . En effet, Rousseau écrit : De quoi s’agit-il donc précisément dans cette question du luxe? De savoir lequel importe le plus aux empires d’être brillants et momentanés, ou vertueux et durables. Je dis brillant, mais de quel éclat? Le goût du faste ne s’associe guère dans les mêmes âmes avec celui de l’honnête. Non, il n’est pas possible que des esprits dégradés par une multitude de soins futiles s’élèvent jamais à rien de grand; et quand ils en auraient la force, le courage leur manquerait (DSA, 22)". b) Pour mieux comprendre l'état de nature rousseauiste et la nostalgie qu'il implique, vous pouvez lire l'article d' André Langaney, dont voici un extrait: "Ce texte du grand Jean-Jacques est, sans aucun doute, l’une des plus belles fictions de l’histoire de l’anthropologie, entre la Bible, Pourquoi j’ai mangé mon père et Les Animaux dénaturés de Vercors ! Avec une imagination et une intelligence rares, l’auteur raconte, dans un texte très dense, comment, partant d’un curieux statut d’humains zoologiques à l’état de pure nature, nos ancêtres auraient inventé des techniques impliquant de plus en plus de liens sociaux, puis des modes de communication passant du cri fruste au langage, parallèlement à l’invention de la famille et de structures sociales d’ordre supérieur! Partant de l’état de nature prospère et égalitaire, où l’on s’ignorait les uns les autres (l’homme sauvage ne reconnaissait pas même ses enfants ! On se demande par quel miracle ces derniers survivaient...), on serait parvenu aux états modernes avec leurs sociétés inégalitaires, hiérarchisées et, pour l’auteur, dégénérées par abus de culture. " c) Nous vous laissons enfin découvrir les articles de David Chaumat consacrés au Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1754
|