TEXTE 3 : L'ILIADE, VI, v. 440-471

Traduction

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Le grand Hector au casque scintillant lui répondit :
« Moi aussi, femme, tout cela m'inquiète; mais affreusement
je redoute les Troyens et les Troyennes aux voiles
traînants, si, comme un lâche, je fuis le combat. Mon
coeur, d'ailleurs, ne m'y pousse pas, car j'ai appris à être
brave, toujours, et à combattre au premier rang des
Troyens, pour soutenir la grande gloire de mon père et la
mienne. Je le sais bien, moi-même, en mon âme et en mon
coeur : un jour viendra où périront Ilion la sainte, et Priam,
et le peuple de Priam à la forte lance.

Mais je m'inquiète moins, pour l'avenir, de la douleur
des Troyens, et d'Hécube même, ou du roi Priam, ou de mes frères
qui, nombreux et braves, tomberaient dans la poussière sous les
coups des guerriers ennemis, que de ta douleur, à toi, quand
un Achéen vêtu de bronze t'emmènera, tout en pleurs,
mettant fin pour toi aux jours de liberté. En Argolide,
sous les ordres d'une autre, tu tisseras la toile, tu porteras
l'eau de Messeis ou d'Hypérie, bien à contre-coeur,
accablée par la rude nécessité. Et l'on dira, en voyant
couler tes larmes : « Voilà la femme d'Hector, qui excellait
au combat parmi les Troyens dompteurs de chevaux,
quand on se battait autour d'Ilion. » Ainsi l'on dira,
et ta douleur sera renouvelée de manquer d'un homme
comme moi pour écarter de toi le jour du servage. Mais
que je sois mort, et qu'un monceau de terre me recouvre,
plutôt que d'entendre tes cris et de te voir entraîner !

A ces mots vers son enfant se pencha l'illustre Hector;
mais l'enfant, contre le sein de sa nourrice à la belle
ceinture, se rejeta en criant, épouvanté à la vue de son
père, effrayé par le bronze et le panache en crins de
cheval que, terrible, au sommet du casque, il voyait
s'agiter. Son père rit, ainsi que sa mère vénérable.