Commentaire

Ce premier extrait de la tragédie Antigone de Sophocle peut mener vos travaux dans plusieurs voies...

1°) Il peut être pertinent de consolider vos connaissances, tout d'abord, sur le théâtre dans l'Antiquité, ses origines, ses auteurs, comme ses fonctions. Vous pouvez ainsi consulter la bibliographie ou le choix de sites proposés ici.

2°) Devenez spécialistes de Sophocle en poursuivant vos lectures et en approfondissant vos connaissances; comprenez ce que cet auteur a apporté au théâtre grec d'abord, comme au théâtre universel. Vous pourrez vérifier vos acquis en testant le quiz proposé dans la rubrique "exercices".

 

3°) Ce premier extrait est enfin la première étape de notre découverte du personnage d'Antigone. Il est important pour comprendre son destin et ses revendications d'en saisir toute la richesse et d'en comprendre toutes les motivations. Sophocle dans ces premiers vers insiste sur l'attachement à son frère (cf. la place du mot "ἀδελφόν") ainsi que sur la fermeté de sa décision, essentiellement dictée par un respect religieux: il s'agit d'honorer les morts. Plus loin dans la pièce, et de façon récurrente, Sophocle insistera sur ce pourrissement du corps, abandonné aux oiseaux de proie et aux charognards. George Steiner dans Les Antigones précise que " la terreur fondamentale de la décomposition, de la violation du corps par les chiens et par les oiseaux de proie (…) est l'élément central de la pièce. Il relie précisément la famille aux deux sources, aux deux moments, de l'action d'Antigone : 'L'essence de la loi divine et le royaume souterrain.' "(édition folio essais p. 37). Il faut aussi souligner combien revendiquer ce lien de fraternité est essentiel pour l'Antigone de Sophocle: enterrer Polynice, c'est réaffirmer les liens de la famille, famille bannie, maudite depuis la faute de Laïos lui-même, c'est s'inscrire dans le tragique même. Anouilh lui fera dire: « Je suis la fille d'Œdipe, je suis Antigone. Je ne me sauverai pas. »

Le souhait d'Antigone ne peut donc être exprimé plus simplement; Sophocle choisit un verbe, qui a la force de la logique, celle du rituel, et de l'humain, et le poids de l'interdit : "θάπτειν".

Cette première page réussit donc à inscrire le personnage dans la force d'un défi qui résonne déjà comme une descente vers l'Hadès...

 

« Dans ce bois brut et qui me fait horreur, Jocaste et Polynice pleins de vie et de passions, se trouvent déjà. Ce que je dois faire exister par mon travail, ce n'est pas eux, ils n'existent que trop, c'est moi. C'est Antigone, le sculpteur, qui, chaque jour, à travers son chagrin et ses peurs, n'aura pas d'autres rôles que d'enlever patiemment ce qui les cache encore au regard. » Antigone Bauchau