Introduction

 

Vous pouvez découvrir ce que fut l'enfance de notre héros et comprendre les signes évidents de son origine divine...Après avoir maltraité les envoyés du roi d'Orchomène qui exigeait un lourd tribut des Thébains, Héraklès reçut du roi de Thèbes (Créon) la princesse Mégarée qu'il aima profondément et dont il eut trois enfants. Mais Héra, qui n'oubliait jamais une offense, le frappa de folie. Dans sa démence, il tua ses enfants ainsi que Mégarée qui tentait de protéger le plus jeune. Puis Héra lui rendit la raison et il se retrouva dans une salle toute éclaboussée de sang et remplie des cadavres. Il voulut se donner la mort mais Thésée l'en empêcha et l'emmena chez lui à Athènes. Désireux de se purifier, il se rend alors à Delphes, consulte la Pythie qui lui conseille de se rendre auprès d'Eurysthée et de se mettre à son service...

Nombreux sont les auteurs à avoir mis leur talent à peindre cette folie du héros, folie dont il est la première victime et qu'il va devoir expier...

Vous pouvez découvrir la tragédie d'Euripide Héraklès furieux : voici l'extrait où le messager rapporte au choeur la violence furieuse qui a poussé Héraklès à tuer son épouse et ses enfants.

La folie d'Hercule, relief, Antonio Canova.

"LE MESSAGER. Les victimes sacrées étaient devant l'autel de Zeus, afin de purifier la demeure, après que Hèraklès eut jeté dehors le cadavre du Roi de cette terre ; et le beau groupe de ses enfants était auprès de lui, ainsi que son père et Mégara ; et déjà la corbeille était portée autour de l'autel, et nous faisions silence. Mais, comme il allait prendre de la main droite le tison pour l'éteindre dans l'eau purificatrice, [930] le fils d'Alkmèna s'arrêta, muet. Et comme il tardait, ses enfants tournèrent les yeux vers lui. Mais il n'était plus le même ; et, tel qu'un insensé, roulant des yeux hagards et montrant le fond ensanglanté de leurs orbites, il répandait de l'écume sur son menton barbu ! Puis, il dit avec un rire de démence : - Père ! pourquoi allumé-je le feu purificateur, avant d'avoir tué Eurystheus ? Pourquoi faire un double travail, quand je puis tout achever en une seule fois ? Quand j'aurai apporté la tête d'Eurystheus, [940] je purifierai mes mains pour les deux morts. Répandez l'eau, rejetez ces corbeilles ! Qu'on me donne mon arc ! Où est ma massue ? Je pars pour Mykèna. Il faut prendre des leviers et des houes, afin que je détruise avec le fer recourbé la Ville et les demeures kyklopéennes bien bâties à l'aide de la règle rouge et du pic ! - Puis, il marcha ; et quoiqu'il n'eût point de char, il disait qu'il en avait un ; et il y montait, en frappant comme s'il avait un fouet en main. [950] Et les serviteurs riaient et tremblaient à la fois ; et ils se regardaient l'un l'autre, et un d'entre eux dit : Notre Maître joue-t-il, ou est-il en démence ? - Et lui montait et descendait dans la demeure ; et, se précipitant dans la chambre des hommes, il dit qu'il était arrivé dans la Ville de Nisos, bien qu'il fût dans sa propre demeure ; et, se couchant par terre, toujours le même, il prépara son repas. Et, peu de temps après, il déclara qu'il était arrivé dans les vallées boisées de l'Isthme. Puis, s'étant mis nu, [960] il combattait un adversaire absent, et il déclarait à des spectateurs imaginaires qu'il était vainqueur. Puis, exhalant des menaces furieuses contre Eurystheus, il affirmait qu'il était à Mykèna. Mais son père, saisissant sa robuste main, lui parla ainsi : - Ô fils, que t'arrive-t-il ? Quel est ce voyage que tu fais ? Est-ce le meurtre de ceux que tu as tués qui te trouble l'esprit ? - Et lui, croyant que c'était le père tremblant d'Eurystheus qui le suppliait en lui tendant la main, le repoussa et prépara son arc et son carquois contre ses enfants, [970] pensant tuer les enfants d'Eurystheus. Ceux-ci, saisis de terreur, se jetaient çà et là, l'un se cachant sous le péplos de sa malheureuse mère, l'autre derrière une colonne, et le troisième sous l'autel, comme un oiseau palpitant. Et la mère criait : - Ô père, que fais-tu ? Tu veux tuer tes fils ? - Et le vieillard criait, et la foule des serviteurs aussi. Et lui, poursuivant l'enfant autour de la colonne, et le rencontrant en face, lui perça le foie, et l'enfant, rendant l'âme, [980] arrosa de sang les colonnes de pierre. Et lui, se glorifia plein de joie, disant : - Voilà un des fils d'Eurystheus mort et recevant le châtiment de la haine paternelle ! - Et il tendit son arc contre un autre qui s'était réfugié, tremblant, à la base de l'autel, espérant s'y cacher. Et le malheureux, tombant aux genoux de son père, et portant la main à son cou et à son menton, lui dit : - Ô très cher père, ne me tue pas ! Je suis ton fils, ton fils ! Ce n'est pas le fils d'Eurystheus que tu frapperas ! - [990] Mais lui, roulant des yeux farouches de Gorgô, et l'enfant étant trop près pour le jet de la flèche ailée, tel qu'un forgeron qui bat une masse en feu, faisant tomber sa massue sur la tête blonde de l'enfant, lui brisa le crâne ! Et, après avoir tué ce second fils, il s'élança pour égorger le troisième. Mais la malheureuse mère le prévint, et entraîna l'enfant dans la demeure, et ferma les portes. Et lui, comme s'il était devant les murs kyklopéens, creusa, secoua les portes avec des leviers, et, ayant enfoncé les battants, [1000] tua d'un seul trait sa femme et son fils. Puis, comme il allait égorger le vieillard, survint une apparition admirable, Pallas, qui brandissait sa lance à la pointe aiguë, et qui jeta une roche contre la poitrine de Hèraklès, ce qui l'empêcha de continuer ce carnage, et le fit tomber endormi. Et il tomba contre terre et heurta du dos une colonne rompue par la chute du toit, et qui gisait sur sa base. [1010] Pour nous, affranchis de la nécessité de fuir, nous l'avons, aidant le vieillard, lié avec des cordes à une colonne, afin qu'en se réveil1ant il ne puisse pas commettre d'autres meurtres, après ceux qu'il a déjà commis. Et le malheureux dort ainsi d'un misérable sommeil, ayant égorgé ses enfants et sa femme ! Je ne sais si un des mortels est plus malheureux.

LE CHŒUR. Le meurtre le plus célèbre et le plus incroyable, commis sur la terre d'Argos et connu de la Hellas, est celui qu'accomplirent les filles de Danaos ; mais ceci a surpassé [1020] et vaincu les anciens crimes ! Je puis dire que le meurtre de l'unique et divin fils de Proknè fut une offrande aux Muses ; mais toi, ô malheureux, tu as égorgé dans ta rage les trois fils que tu as engendrés ! Auquel d'entre eux vouer mes larmes, ou mes gémissements, ou la lamentation des morts, ou le chœur sacré du Hadès ? Hélas ! hélas ! voyez s'ouvrir les deux battants [1030] des hautes demeures ! Hélas ! hélas ! voyez ces misérables enfants couchés auprès de leur misérable père qui dort d'un terrible sommeil, hors de ce massacre ! Des liens aux nœuds multipliés enserrent le corps de Hèraklès, et l'attachent aux colonnes de pierre des demeures. Mais, tel qu'un oiseau qui gémit sur sa couvée sans plumes encore, [1040] le vieillard s'approche d'un pas lent, au milieu de ces choses terribles !"