Nous vous proposons ici de lire en français les lignes qui précèdent et celles qui suivent le passage choisi.

Mais avant d'aller plus loin, il faut remarquer en passant que la différence qui existe entre l'essence d'une chose et l'essence d'une autre chose est la même que celle qui se rencontre entre l'actualité ou l'existence de l'une et l'actualité ou l'existence de l'autre ; tellement que si nous voulions concevoir l'existence d'Adam, par exemple, simplement par le moyen de l'existence en général, ce serait absolument la même chose que si, pour concevoir son essence, nous remontions à la nature de l'être, et que nous définissions Adam : ce qui est. Ainsi, plus l'existence est conçue généralement, plus elle est conçue confusément, et plus facilement elle peut être attribuée à un objet quelconque. Au contraire, dès que nous concevons l'existence plus particulièrement, nous la comprenons plus clairement, et il est aussi plus difficile de l'attribuer fictivement à quelque chose si ce n'est à l'une de celles que nous ne rapportons pas à l'ordre et l'enchaînement de la nature. Cela méritait d'être remarqué.

(...)

Il nous reste à parler de certaines suppositions que l'on fait dans les problèmes, et qui parfois sont impossibles. Par exemple, quand on dit : Supposons que cette chandelle qui brûle ne brûle pas, ou bien supposons qu'elle brûle dans un espace imaginaire ou dans un lieu où ne se trouve aucun corps. Nous faisons toutes sortes de suppositions de ce genre, bien qu'en définitive nous en comprenions clairement l'impossibilité. Mais dans ce cas il n'y a pas fiction ; car, dans le premier exemple, je ne fais autre chose que rappeler à ma mémoire une autre chandelle qui ne brûle pas (ou bien je conçois cette même chandelle sans flamme), et ce que je pense de cette autre chandelle, je le comprends de même de la première tant que je ne fais pas attention à la flamme. Dans le second exemple, je ne fais encore autre chose que retirer ma pensée de tous les corps environnants, et appliquer mon esprit tout entier à la considération de cette chandelle, prise uniquement en elle-même ; et j'en conclus que cette chandelle n'a plus à redouter aucune cause de destruction, de telle sorte que, si elle n'était environnée de corps étrangers, et la chandelle et la flamme demeureraient immuablement les mêmes, et autres choses semblables. Il n'y a donc point là de fictions, mais de véritables et pures assertions..