HistoireS de vide 

Texte 1 : Platon Timée

On expliquera de même le cours des eaux, la chute de la foudre et la merveilleuse attraction que possèdent l’ambre et la pierre d’Héraclée. Il n’y eut jamais de vertu attractive dans aucun de ces corps, mais le fait qu’il n’y a pas de vide, que ces corps se choquent en cercle les uns les autres, qu’en se divisant ou se contractant ils échangent tous leurs places pour regagner chacun celle qui lui est propre : c’est à ces actions combinées entre elles que sont dus ces phénomènes étonnants, comme on s’en convaincra en les étudiant suivant la bonne méthode.

Texte 2 : Epicure Lettre à Hérodote

Ces points étant établis, il convient maintenant de fixer l’attention sur les choses invisibles. Premièrement, il faut croire que rien ne se naît de rien ; car si cela était, tout se ferait de tout et rien ne manquerait de semence.

De plus, si les choses qui disparaissent se réduisaient à rien, il y a longtemps que toutes choses seraient détruites, puisqu'elles n'auraient pu se résoudre dans celles que l'on suppose n'avoir pas eu d'existence. Or l'univers fut toujours tel qu'il est et sera toujours dans le même état, n'y ayant rien en quoi il puisse se changer. En effet, outre l'univers, il n'existe rien en quoi il puisse se convertir et subir un changement. Épicure soutient aussi cette opinion dès le commencement de son grand Abrégé ; et voici ce qu'il dit dans le premier livre de son ouvrage sur la Nature : L'univers est corporel. Qu'il y ait des corps, c'est ce qui tombe sous les sens, selon lesquels nous formons des conjectures, en raisonnant sur les choses qui nous sont cachées, comme on l'a dit plus haut.

S'il n'y avait point de vide ni de lieu, ce qu'autrement nous désignons par le nom de nature impalpable, les corps n'auraient point d'endroit où ils pourraient être, ni où ils pourraient se mouvoir, quoiqu'il soit évident qu'ils se meuvent.

Texte 3 : Aristote Physique ( extrait 1)

Il semble que c'est par la même méthode employée pour l'espace que le physicien doit étudier le vide, et savoir si le vide est ou n'est pas, comment il est et ce qu'il est ; car on peut avoir sur le vide à peu près les mêmes doutes ou les mêmes convictions que sur l'espace, d'après les systèmes dont il a été l'objet. En effet, ceux qui croient au vide le représentent en général comme un certain espace et une sorte de vase et de récipient. On croit qu'il y a du plein quand ce récipient contient le corps qu'il est susceptible de recevoir ; et quand il en est privé, il semble qu'il y a du vide. Donc, on suppose que le vide, le plein et l'espace sont au fond la même chose, et qu'il n'y a entr'eux qu'une simple différence de manière d'être. Pour commencer cette recherche, il faut recueillir d'abord les arguments de ceux qui croient à l'existence du vide, puis ensuite les arguments de ceux qui nient l'existence du vide, et, en troisième lieu, les opinions communément répandues sur ce sujet.

Texte 4 : Aristote Physique (extrait 2)

De tout ce qui précède, il résulte que le vide n'est point séparé, qu'il n'existe point absolument, qu'il n'est pas dans ce qui est rare, et qu'il n'est pas non plus en puissance, à moins qu'on ne veuille à toute force appeler vide la cause de la chute des corps. Ce serait alors la matière du léger et du lourd, en tant que telle, qui serait le vide ; car le dense et le rare, opposés comme ils le sont à ce point de vue, produisent la chute des graves. En tant que dur et mou, ils sont causes de la passivité ou de l'impassibilité des corps ; mais ils ne sont pas causes de leur chute, et ils le seraient plutôt de leur altération. Ici finit ce que nous avions à dire sur le vide pour expliquer comment il est et comment il n'est pas.

Textes complémentaires

Platon Timée

Revenons au phénomène de la respiration pour voir par quelles causes il est devenu tel qu’il est aujourd’hui. Voici ce qui a eu lieu. Comme il n’y a pas de vide où puisse pénétrer un corps en mouvement, et que nous exhalons de l’air hors de nous, il est dès lors évident pour tout le monde que cet air n’entre pas dans le vide, mais qu’il chasse de sa place l’air avoisinant. L’air déplacé chasse à son tour celui qui l’avoisine, et, sous cette pression nécessaire, le tout revient en cercle à la place d’où est sortie notre haleine, y pénètre et la remplit à la place du souffle expiré et tout ce mouvement, pareil à celui d’une roue qui tourne, se produit simultanément, parce qu’il n’y a pas de vide.

Epicure Lettre à Hérodote

Épicure à Hérodote, salut. Comme il y a beaucoup de personnes, cher Hérodote, qui ne sont pas en état d’étudier avec soin tout ce que j’ai écrit sur la Nature, ni d’examiner attentivement mes ouvrages plus étendus, j’ai composé un abrégé de toute ma philosophie, afin qu’elles gardent bien dans la mémoire les doctrines principales et puissent, dans la mesure où elles s’appliquent à l’étude de la Nature, y recourir à chaque instant pour les points les plus importants. Et ceux mêmes qui sont suffisamment avancés dans l’investigation de l’univers doivent avoir en mémoire le caractère fondamental de toute la doctrine. Car de la vue d’ensemble nous avons souvent besoin, mais il n’en est pas de même des détails. Il faut par conséquent, d’une part, progresser continuellement dans l’investigation de l’univers et, d’autre part, fixer dans la mémoire autant qu’il est nécessaire pour avoir une vue principale des choses ; et l’on parviendra aussi, une fois que les caractères principaux auront été bien compris et retenus, à une connaissance complète des détails.

Aristote Physique

Le physicien doit nécessairement savoir aussi de l'espace, tout comme de l'infini, s'il existe ou n'existe pas, et déterminer comment l'espace existe et ce qu'il est.

Ainsi tout le monde admet que ce qui est, est en quelque lieu de l'espace, et que ce qui n'est pas n'est nulle part; car où sont, par exemple, le bouc-cerf et le sphinx?

Puis, parmi les mouvements, le plus commun de tous et celui qui mérite le plus spécialement ce nom, c'est le mouvement qui se fait dans l'espace et que nous appelons la translation.

Mais il y a plus d'une difficulté à savoir précisément ce qu'est l'espace; car il ne se présente pas de la même manière sous toutes les faces où on le considère.

Ajoutons enfin que les autres philosophes, ou ne nous ont rien donné sur ce sujet, ou n'en ont pas donné des explications satisfaisantes.

Aristote Physique

Après avoir étudié l'espace et démontré que le vide ne peut être que l'espace, s'il est ce qui est privé de corps ; et après avoir expliqué également comment l'espace est et n'est pas, il doit être évident que dans ce sens le vide n'existe pas non plus davantage, ni inséparable ni séparable des corps ; puisque le vide n'est pas un corps, et qu'il est bien plutôt l'intervalle du corps. Aussi le vide ne semble-t-il être quelque chose de réel, que parce que l'espace l'est aussi, et par les mêmes motifs ; car le mouvement dans l'espace est admis également, et par ceux qui soutiennent que l'espace est quelque chose de distinct des corps qui s'y meuvent, et par ceux qui soutiennent que le vide existe. On pense que le vide est la cause du mouvement, en tant qu'il est l'endroit où le mouvement se passe ; et c'est là précisément le rôle que d'autres philosophes prêtent à l'espace. Mais il n'est pas du tout nécessaire, parce que le mouvement existe, qu'il y ait aussi du vide ; et le vide ne peut pas du tout être pris pour la cause de toute espèce de mouvement quel qu'il soit, observation qui a échappé à Mélissus ; car le plein lui-même peut parfaitement changer par une simple altération. Mais il n'est pas même besoin de vide pour le mouvement dans l'espace.