Petite anthologie...

1°) Horace,
Art poétique

V 361- 365
Ut pictura poesis. Erit quae, si propius stes,
Te capiat magis, et quaedam, si longius abstes ;
Haec amat obscurum, volet haec sub luce videri,
Iudicis argentum quae nin formidat acumen ;
Haec placuit semel, haec deciens repetita placebit.

Une poésie est comme une peinture. Il s’en trouvera une pour te séduire davantage si tu te tiens plus près, telle autre, si tu te mets plus loin. L’une aime l’obscurité, une autres voudra être vue en pleine lumière, car elle ne redoute pas le regard perçant du critique ; certaines ne font plaisir qu’une fois, d’autres, reprises dix fois, font toujours plaisir»

2°)Cicéron,
De Inventione II (1- 3)

Crotoniatae quondam, cum florerent omnibus copiis et in Italia cum primis beati umerarentur, templum Iunonis, quod religiosissime colebant, egregiis picturis locupletare voluerunt. Itaque Heracleoten Zeuxin, qui tum longe ceteris excellere pictoribus existimabatur, magno pretio conductum adhibuerunt. Is et ceteras conplures tabulas pinxit, quarum nonnulla pars usque ad nostram memoriam propter fani religionem remansit, et, ut excellentem muliebris formae pulchritudinem muta in se imago contineret, Helenae pingere simulacrum velle dixit; quod Crotoniatae, qui eum muliebri in corpore pingendo plurimum aliis praestare saepe accepissent, libenter audierunt. putaverunt enim, si, quo in genere plurimum posset, in eo magno opere elaborasset, egregium sibi opus illo in fano relicturum. Neque tum eos illa opinio fefellit. Nam Zeuxis ilico quaesivit ab iis, quasnam virgines formosas haberent.
Illi autem statim hominem deduxerunt in palaestram atque ei pueros ostenderunt multos, magna praeditos dignitate. Etenim quodam tempore Crotoniatae multum omnibus corporum viribus et dignitatibus antisteterunt atque honestissimas ex gymnico certamine victorias domum cum laude maxima rettulerunt. Cum puerorum igitur formas et corpora magno hic opere miraretur: 'Horum,' inquiunt illi, 'sorores sunt apud nos virgines. Quare, qua sint illae dignitate, potes ex his suspicari'. 'Praebete igitur mihi, quaeso,' inquit, 'ex istis virginibus formonsissimas, dum pingo id, quod pollicitus sum vobis, ut mutum in simulacrum ex animali exemplo veritas transferatur.' Tum Crotoniatae publico de consilio virgines unum in locum conduxerunt et pictori quam vellet eligendi potestatem dederunt. Ille autem quinque delegit; quarum nomina multi poëtae memoriae prodiderunt, quod eius essent iudicio probatae,
qui pulchritudinis habere verissimum iudicium debuisset. Neque enim putavit omnia, quae quaereret ad venustatem, uno se in corpore reperire posse ideo, quod nihil simplici in genere omnibus ex partibus perfectum natura expolivit. Itaque, tamquam ceteris non sit habitura quod largiatur, si uni cuncta concesserit, aliud alii commodi aliquo adiuncto incommodo muneratur.

Les Crotoniates, au comble de la prospérité et comptés parmi les peuples les plus opulents de l’Italie, voulurent jadis décorer de peintures sans pareilles leur temple d’Héra, qu’ils entouraient du culte le plus pieux. Ils songèrent à Zeuxis d’Hérakléia, estimé de beaucoup supérieur à tous les peintres de son siècle, et le firent venir à grands frais. Zeuxis exécuta plusieurs tableaux dont quelques-uns nous ont été conservés grâce à la vénération dont le temple était l’objet ; mais, pour représenter en une muette image l’idéal de la beauté féminine, il voulut peindre une Hélène. Cette intention charma les Crotoniates qui avaient maintes fois entendu vanter l’incontestable maîtrise de l’artiste en un pareil sujet ; car, pensaient-ils, si Zeuxis, dans le genre où il excelle, s’applique de son mieux, il enrichira notre temple d’un chef-d’œuvre incomparable.
Leur attente ne fut point trompée. Zeuxis leur demanda aussitôt quelles belles jeunes filles se trouvaient à Crotone : on le conduisit d’abord au gymnase et on lui montra de nombreux jeunes gens de la plus pure beauté … Comme il admirait vivement en eux la grâce et les proportions : « Nous avons ici, lui dit-on, leurs sœurs encore vierges : tu peux, en voyant leurs frères, te faire une idée de leur beauté. - Présentez-moi donc, s’il vous plaît, dit Zeuxis, les plus belles de ces jeunes filles à titre de modèles pour le tableau promis : c’est ainsi que je pourrai faire passer dans une peinture inanimée la vivante vérité de la nature. »
Alors, par une décision officielle, les Crotoniates réunirent les jeunes filles en un seul lieu, et autorisèrent le peintre à choisir librement parmi elles. Il n’en retint que cinq, dont maint poète nous a transmis les noms pour avoir obtenu les suffrages du maître le plus capable d’apprécier la beauté, car il ne crut pas pouvoir découvrir en un modèle unique tout son idéal de la beauté parfaite, parce qu’en aucun individu la nature n’a réalisé la perfection absolue. La nature, comme si elle craignait de ne pouvoir doter tous ses enfants en prodiguant tout au même, vend toujours ses faveurs au prix de quelque disgrâce.