Sujet (Annales Zéro)
Platon, Ion, 535a - 536a
Traduction Louis Méridier, Edition Les Belles Lettres


Entrée : Un grand philosophe, Platon


Socrate vient d’expliquer au rhapsode Ion, personnage itinérant qui récite et commente les poèmes
d’Homère, que les poètes composent sous l’effet d’une inspiration divine, qui les transporte hors d’eux
mêmes. Cette inspiration se transmet de proche en proche, de la divinité jusqu’aux auditeurs des récitations
de poèmes, comme la force d’aimantation de Magnésie (ou force d’Héraclée) se transmet tout au long d’une
chaîne d’anneaux de fer.

 

(Ἴων) Ναὶ μὰ τὸν Δία, ἔμοιγε, ἅπτει γάρ πώς μου τοῖς λόγοις τῆς ψυχῆς, ὦ Σώκρατες, καί μοι δοκοῦσι θείᾳ μοίρᾳ ἡμῖν παρὰ τῶν θεῶν ταῦτα οἱ ἀγαθοὶ ποιηταὶ ἑρμηνεύειν.

(Σωκράτης) Οὐκοῦν ὑμεῖς αὖ οἱ ῥαψῳδοὶ τὰ τῶν ποιητῶν ἑρμηνεύετε ;

(Ἴων) Καὶ τοῦτο ἀληθὲς λέγεις.

(Σωκράτης) Οὐκοῦν ἑρμηνέων ἑρμηνῆς γίγνεσθε ;

(Ἴων) Παντάπασί γε.

(Σωκράτης) Ἒχε δή μοι τόδε εἰπέ, ὦ Ἴων, καὶ μὴ ἀποκρύψῃ ὅτι ἄν σε ἔρωμαι, ὅταν εὖ εἴπῃς ἔπη καὶ ἐκπλήξῃς μάλιστα τοὺς θεωμένους, ἢ τὸν Ὀδυσσέα ὅταν ἐπὶ τὸν οὐδὸν ἐφαλλόμενον ᾄδῃς, ἐκφανῆ γιγνόμενον τοῖς μνηστῆρσι καὶ ἐκχέοντα τοὺς.Οἰστοὺς πρὸ τῶν ποδῶν, ἢ Ἀχιλλέα ἐπὶ τὸν Ἕκτορα ὁρμῶντα, ἢ καὶ τῶν περὶ Ἀνδρομάχην ἐλεινῶν τι ἢ περὶ Ἑκάβην ἢ περὶ Πρίαμον, τότε πότερον ἔμφρων εἶ ἢ ἔξωσαυτοῦ γίγνῃ καὶ παρὰ τοῖς πράγμασιν οἴεταί σου εἶναι ἡ ψυχὴ οἷς λέγεις ἐνθουσιάζουσα, ἢ ἐν Ἰθάκῃ οὖσιν ἢ ἐν Τροίᾳ ἢ ὅπως ἂν καὶ τὰ ἔπη ἔχῃ ;

(Ἴων) Ὡς ἐναργές μοι τοῦτο, ὦ Σώκρατες, τὸ τεκμήριον εἶπες, οὐ γάρ σε ἀποκρυψάμενος ἐρῶ. Ἐγὼ γὰρ ὅταν ἐλεινόν τι λέγω, δακρύων ἐμπίμπλανταί μου οἱ ὀφθαλμοί, ὅταν τε φοβερὸν ἢ δεινόν, ὀρθαὶ αἱ τρίχες ἵστανται ὑπὸ φόβου καὶ ἡ καρδία πηδᾷ.

(Σωκράτης) Τί οὖν ; φῶμεν, ὦ Ἴων, ἔμφρονα εἶναι τότε τοῦτον τὸν ἄνθρωπον, ὃς ἂν κεκοσμημένος ἐσθῆτι ποικίλῃ καὶ χρυσοῖσι στεφάνοις κλάῃ τ' ἐν θυσίαις καὶ ἑορταῖς, μηδὲν ἀπολωλεκὼς τούτων, ἢ φοβῆται πλέον ἢ ἐν δισμυρίοις ἀνθρώποις ἑστηκὼς φιλίοις, μηδενὸς ἀποδύοντος μηδὲ ἀδικοῦντος ;

(Ἴων) Οὐ μὰ τὸν Δία, οὐ πάνυ, ὦ Σώκρατες, ὥς γε τἀληθὲς εἰρῆσθαι.

(Σωκράτης) Οἶσθα οὖν ὅτι καὶ τῶν θεατῶν τοὺς πολλοὺς ταὐτὰ ταῦτα ὑμεῖς ἐργάζεσθε ;

(Ἴων) Καὶ μάλα καλῶς οἶδα, καθορῶ γὰρ ἑκάστοτε αὐτοὺς ἄνωθεν ἀπὸ τοῦ βήματος κλάοντάς τε καὶ δεινὸν ἐμβλέποντας καὶ συνθαμβοῦντας τοῖς λεγομένοις. Δεῖ γάρ με καὶ σφόδρ' αὐτοῖς τὸν νοῦν προσέχειν, ὡς ἐὰν μὲν κλάοντας αὐτοὺς καθίσω, αὐτὸς γελάσομαι ἀργύριον λαμβάνων, ἐὰν δὲ γελῶντας, αὐτὸς κλαύσομαι ἀργύριον ἀπολλύς.

(Σωκράτης) Οἶσθα οὖν ὅτι οὗτός ἐστιν ὁ θεατὴς τῶν δακτυλίων ὁ ἔσχατος, ὧν ἐγὼ ἔλεγον ὑπὸ τῆς Ἡρακλειώτιδος λίθου ἀπ' ἀλλήλων τὴν δύναμιν λαμβάνειν ; ὁ δὲ μέσος σὺ ὁ ῥαψῳδὸς καὶ ὑποκριτής, ὁ δὲ πρῶτος αὐτὸς ὁ ποιητής, ὁ δὲ θεὸς διὰ πάντων τούτων ἕλκει τὴν ψυχὴν ὅποι ἂν βούληται τῶν ἀνθρώπων, ἀνακρεμαννὺς ἐξ ἀλλήλων τὴν δύναμιν.

 

ION. – Si, par Zeus ! je le crois. Tes paroles me touchent à l’âme, Socrate, et je pense que c’est par un privilège divin que les bons poètes sont ainsi auprès de nous les interprètes des dieux.
SOCRATE. – Vous autres rhapsodes, à votre tour, vous interprétez les œuvres des poètes ?
ION. – Cela est encore vrai.
SOCRATE. – Vous êtes donc des interprètes d’interprètes ?
ION. – Absolument.
SOCRATE. – Or çà, Ion, dis-moi encore, et réponds sans feinte à ma question. Quand tu récites comme il faut des vers épiques, et que tu fais sur les spectateurs l’impression la plus profonde, soit que tu chantes Ulysse sautant sur le seuil, se découvrant aux prétendants et répandant les flèches à ses pieds, ou Achille s’élançant sur Hector, ou un des endroits pathétiques sur Andromaque, Hécube ou Priam, as-tu alors ta raison ? N’es-tu pas hors de toi, et ton âme transportée d’enthousiasme ne croit-elle pas assister aux événements dont tu parles, soit à Ithaque, soit à Troie, ou partout où la scène se passe ?

ION. – La preuve frappante que tu me donnes là, Socrate ! Je vais te parler sans feinte. Pour moi, quand je débite quelque passage pathétique, mes yeux s’emplissent de larmes ; si c’est un endroit effrayant ou étrange, d’effroi mes cheveux se lèvent tout droits et mon cœur se met à battre.
SOCRATE. – Eh bien, Ion, devons-nous le dire alors maître de sa raison, cet homme qui, paré d’un costume aux teintes variées et de couronnes d’or, se met à pleurer dans les sacrifices et les fêtes, sans avoir rien perdu de ces parures, ou éprouve de l’effroi devant plus de vingt mille personnes bien disposées pour lui, quoique nul ne le dépouille ni ne lui fasse du tort ?
ION. – Non, par Zeus ! point du tout, Socrate, pour dire la vérité.
(…)
SOCRATE. – Sais-tu que ce spectateur est le dernier des anneaux dont je parlais, qui par la vertu de la pierre d’Héraclée tirent les uns des autres leur force d’attraction ? Celui du milieu c’est toi, le rhapsode et l’acteur ; le premier, c’est le poète en personne. Et la divinité, à travers tous ces intermédiaires, attire où il lui plaît l’âme des humains, en faisant passer cette force de l’un à l’autre.

SUJET


Questions (50 points)
Question 1
Quelles sont les principales étapes de l’argumentation de Socrate dans ce passage ? Répondez en relevant et analysant les marques d’articulation du raisonnement.


Question 2
Quels exemples Socrate utilise-t-il dans le premier passage en italiques ? Comment contribuent-ils à sa démonstration?


Question 3
Dans le deuxième passage en italiques, comment s’exprime l’ironie de Socrate ? Justifiez votre réponse par une analyse précise du texte.


Question 4
En vous référant au sens général du texte, expliquez précisément le sens de ἐνθουσιάζουσα (en italiques).


Question 5
En observant les réactions d’Ion, que pouvez-vous conclure de la technique du dialogue socratique, telle que vous avez pu la rencontrer dans vos lectures ?

VERSION( 50 points)

Vous traduirez le passage en caractères gras.