Traduction |
Pour lire l'extrait dans son contexte Veux-tu maintenant, continuai-je, que, nous appuyant sur ces exemples, nous recherchions ce que peut être l'imitateur ? Si tu veux, dit-il. Ainsi, il y a trois sortes de lits ; l'une qui existe dans la nature des choses, et dont nous pouvons dire, je pense, que Dieu est l'auteur - autrement qui serait-ce ?... Personne d'autre, à mon avis. Une seconde est celle du menuisier. Oui, dit-il. Et une troisième, celle du peintre, n'est-ce pas ? Soit. Ainsi, peintre, menuisier, Dieu, ils sont trois qui président à trois espèces de lit. Oui, trois. Et Dieu, soit qu'il n'ait pas voulu agir autrement, soit que quelque nécessité l'ait obligé à ne faire qu'un lit dans la nature, a fait celui-là seul qui est réellement le lit ; mais deux lits de ce genre, ou plusieurs, Dieu ne les a jamais produits et ne les produira point. Pourquoi donc ? demanda-t-il. Parce que s'il en faisait seulement deux, il s'en manifesterait un troisième dont ces deux-là reproduiraient la Forme, et c'est ce lit qui serait le lit réel, non les deux autres. C'est juste, dit-il. Dieu sachant cela, je pense, et voulant être réellement le créateur d'un lit réel, et non le fabricant particulier d'un lit particulier, a créé ce lit unique par nature. Il le semble. Veux-tu donc que nous donnions à Dieu le nom de créateur naturel de cet objet, ou quelque autre nom semblable ? Ce sera juste, dit-il, puisqu'il l' a créé originellement aussi bien que tout le reste. Et le menuisier ? Nous l'appellerons l'ouvrier du lit n'est-ce pas ? Oui. Et le peintre, dirons-nous que lui aussi est l'ouvrier et le producteur de cet objet ? Nullement. Qu'est-il donc, dis-moi, par rapport au lit ? Il me semble que le nom qui lui conviendrait le mieux est celui d'imitateur de ce dont les deux autres sont les ouvriers. Soit, dis-je. Tu appelles donc imitateur l'auteur d'une production éloignée de la nature de trois degrés. Parfaitement, dit-il. C'est ce que sera donc aussi le poète tragique, puisqu'il est imitateur : il sera naturellement de trois rangs après le roi et la vérité, et tous les autres imitateurs aussi. Il y a apparence. Nous voilà donc d'accord sur l'imitateur. Mais, à propos du peintre, réponds encore à ceci : essaie-t-il, d'après toi, d'imiter cet objet unique même qui est dans la nature ou bien les ouvrages des artisans ? Les ouvrages des artisans, répondit-il. Tels qu'ils sont, ou tels qu'ils paraissent ; fais encore cette distinction. Que veux-tu dire ? demanda-t-il. Ceci : un lit, que tu le regardes de biais, de face, ou de toute autre manière, est-il différent de lui-même, ou, sans différer, paraît-il différent ? et en est-il de même des autres choses ? Oui, dit-il, l'objet paraît différent mais ne diffère en rien. Maintenant, considère ce point ; lequel de ces deux buts se propose la peinture relativement à chaque objet est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui paraît, tel qu'il paraît ? Est-elle l'imitation de l'apparence ou de la réalité ? De l'apparence, dit-il. L'imitation est donc loin du vrai, et si elle façonne tous les objets, c'est, semble-t-il, parce qu'elle ne touche qu'à une petite partie de chacun, laquelle n'est d'ailleurs qu'un fantôme. |