La Magie en Egypte Ancienne

"Pour faire la synthèse d'un concept en réalité fort complexe, nous pouvons dire que la magie est un système de croyances, d'idées et de rituels grâce auquel l'homme pense pouvoir influencer l'univers environnant. La perception anthropomorphique des forces naturelles a fait jaillir des idées magiques organisées afin de prendre une forme plus concrète et rationelle. Cette forme déjà développée au Néolithique, était la religion. Pour cette raison, en Egypte, la religion et la magie sont toujours liées. En récitant une formule magique, l'homme imagine qu'il exerce une influence directe sur le cosmos. Avec la prière, en revanche, il implore l'intervention d'un dieu. Il convient de mentionner ici une différence importante entre l'Egypte et les autres cultures de l'Antiquité. En Egypte, l'homme n'était pas le simple relais de transmission du pouvoir divin. Il était lui-même détenteur de ce pouvoir grâce à la connaissance des formules magiques. Ceci était la conséquence logique de la foi que vouaient les Egyptiens au pouvoir créateur du verbe, parlé ou écrit. Ils élaborèrent des concepts magico-religieux qui reposaient sur des raisonnements absolument logiques et que sous-entendait leur foi en l'existence de forces supérieures. Par ailleurs, leur prétendue puissance magique est sans fondement car leurs propres textes révèlent qu'aucun miracle ne peut se produire au sein du monde matériel. Il est possible de distinguer une magie "spirituelle" et proche de la religion (à laquelle elle était d'ailleurs inextricablement associée), d'une magie pétrie de naïveté (pour les classes populaires). Pour les Egyptiens, elles n'existaient nullement si ce n'est dans l'opinion de certains individus. La magie que l'on appellait heka comme le dieu Héka qui en était la personnification, était étroitement liée non seulement à la religion, mais aussi à la science (et notamment à la médecine). En ce qui concerne les utilisations "pratiques" de la magie, nous allons voir qu'elle pouvait être protectrice, créatrice ou offensive. Si les deux premières finalités étaient assez courantes, la troisième était plutôt rare. La magie protectrice était la plus ancienne et comprenait toutes les pratiques visant à anéantir le pouvoir des forces négatives. Il existait pour cela des formules, et des amulettes adaptées à toutes les occasions. Magie et religion étaient liées même dans ces cas. En effet des amulettes (aspect magico-religieux) pouvaient être employées contre des animaux dangereux et des prières (aspect purement religieux) adressées à des divinités protectrices spécifiques. Dans le domaine de la médecine, la magie était principalement utilisée au sein des classes populaires. Cependant, les médecins connaissaient les causes matérielles des maladies et dans les différents papyrus médicaux qui nous sont parvenus, l'examen clinique ou la chirurgie sont rigoureusement scientifiques et bien distincts des pratiques magiques. Les remèdes sont donc empiriques. Toutefois, derrière les effets physiques observables, il pouvait y avoir des causes métaphysiques qui échappaient à l'examen médical. Dans ce cas, un autre expert intervenait pour les identifier ; elles pouvaient être liées à la colère d'une divinité, à des esprits malins, ou à des défunts mécontents. Le spécialiste devait repousser les causes négatives de la maladie avec les formules appropriées. Souvent, le médecin et le mage n'étaient qu'une seule et même personne, et au remède concret, chirurgical ou pharmacologique, était ajouté le remède métaphysique : la récitation de formules adaptées. Il est fort probable que l'expérience des médecins égyptiens a dû leur permettre de prendre conscience du pouvoir de l'effet placebo, preuve que la foi en une formule peut aider la guérison ! Les statues guérisseuses de la Basse Epoque (Harpocrate, cippes d'Horus, Khonsou), couvertes d'inscriptions avaient pour fonction de guérir le malade qui buvait l'eau que l'on avait fait couler sur elles, l'imprégant ainsi du pouvoir des inscriptions. Ce concept se perpétua ensuite dans une pratique largement répandue en Nubie : des versets du Coran étaient inscrits sur des feuilles de papier, et l'eau était bue après avoir parcouru les lignes d'écriture. Toujours dans le domaine de la magie protectrice, il convient de mentionner les pratiques utilisées au services de l'Etat et du pays afin d'assurer la sécurité des frontières. Des images de prisonniers figuraient dans des textes alignant des malédictions et étaient frappées, endommagées ou détruites. Mais les pharaons savaient que ces pratiques n'étaient efficaces que lorsqu'elles étaient associées à d'importantes expéditions militaires et à de dures batailles.

En ce qui concerne la magie créatrice, on la rencontre partout, notamment dans l'au-delà. Que l'on songe un instant aux rituels qui, par magie, devaient procurer la nourriture du défunt ou lui permettre de commencer une nouvelle vie dans l'au-delà ; aux statues qui devaient fournir un corps de rechange au défunt ; aux images d'aliments qui, sous les yeux du défunt, devaient évoquer les objets réels ; aux innombrables représentations sereines d'outre-tombe, censées se réaliser grâce à la simple réciation de formules adaptées. La magie offensive était beaucoup plus rare et n'interessait que les couches les plus basses et les plus superstitieuses de la population, qui pouvaient s'en remettre aux sorciers pour porter préjudice à d'autres personnes. Des figurines de cire étaient utilisées pour jeter des sorts, ainsi que des rites fort peu différents de ceux que l'on prescrit encore de nos jours pour profiter de la crédulité populaire. Pour conclure, nous pouvons dire que la magie egyptienne ne fut qu'un ensemble complexe d'interactions entre la foi religieuse et l'espérance que suscite l'inconnu, ce lieu où la vie échappe à l'homme.

Les pouvoirs fabuleux de la magie égyptienne existèrent uniquement dans l'imagination de ceux qui, en visitant l' Egypte à l'Epoque Hellenistique et, plus encore, à l'Epoque Romaine, s'interessèrent à la culture levantine (en particulier babylonnienne), transplantée à Alexandrie. Les hiéroglyphes furent considérés comme les sources de connaissances mystérieuses. Les rites des Mystères, comme ceux prescrits dans le cadre du culte d'Isis, furent élaborés par les cultures levantine, grecque et romaine, puis attribués à l'Egypte, dont les vrais secrets, souvent d'une grande spiritualité, étaient alors oubliés." ( article repris d'une étude mise en ligne sur le web)