Traduction par Philippe Renault (1998) Coryphée C’est une passion terrible que je vois Sur mon chemin. Quelle est cette démence extrême Qui s’empara de toi ? Quel est le dieu enfin Qui te piétine par son cortège de malheurs ? Je ne puis te fixer plus longtemps : je frémis Rien qu’en te regardant ! Mais je veux te parler.
Œdipe Hélas ! vers quel sentier dois-je poser mes pas ? Et puis, vers quel sommet dois-je placer ma voix ? Ma vie, dans quel abîme as-tu sombré, hélas ?
Choryphée Devant un tel fardeau, devant ces doubles maux, Par deux fois, je comprends, tu hurles ta misère.
Œdipe C’est toi, ô compagnon, fidèle en amitié ; Tu demeures loyal malgré ma cécité. Malgré la nuit, je sais qui tu es par ta voix.
Coryphée Tu as crevé tes yeux ! Sur quel ordre divin As-tu commis sur toi un semblable dessein ?
Œdipe C’est Apollon, amis, le véritable auteur De ce supplice affreux dont j’endure le mal. Mais c’est ma seule main, celle d’un malheureux, Qui détruisit mes yeux. Car à quoi sert la vue, Sinon à contempler des choses sans vertu.
Chœur C'est vrai ?
Œdipe Que puis-je voir, aimer ou aborder ? Qui donc écouter avec satisfaction, Ô mes amis ? C’est pourquoi, chassez-moi, je suis Le maudit des maudits, celui que les dieux voient Comme leur ennemi. S’il est un grand malheur, C'est celui dont Œdipe supporte le poids.
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