Traduction

Traduction française de P. C. B. GUEROULT, revue, corrigée et accompagnée de notices et de notes par G. LAMOTHE, professeur de l'Université Paris, Librairie Hatier, 1924, reprise par les Itinera Electronica

Je vais parler de ce que Verrès appelle son goût, ses amis, sa maladie, sa manie, les Siciliens, son brigandage : moi, je ne sais de quelle expression me servir. Je vous exposerai la chose ; c'est à vous d'en juger par ce qu'elle est, sans vous arrêter au nom qu'on lui donne. Prenez-en d'abord une idée générale, et peut-être n'aurez-vous pas beaucoup de peine à trouver le mot juste. Je nie que dans la Sicile entière, cette province si riche, si ancienne, peuplée de tant de cités et de familles si opulentes, il ait existé un seul vase, soit d'argent, soit de métal de Corinthe ou de Délos, une seule pierrerie, une seule perle, un seul ouvrage en or ou en ivoire, un seul marbre, un seul bronze, enfin un seul tableau, un seul tapis, qu'il n'ait recherché, qu'il n'ait examiné, et si l'objet lui a plu, qu'il n'ait enlevé.
Juges, cette proposition vous étonne. Cependant je vous supplie encore de peser tous les termes. Il n'y a point ici d'hyperbole ; je ne cherche point à exagérer les torts de Verrès.
Quand je dis que dans toute la province il n'a rien laissé de tous ces objets précieux, je ne parle pas en accusateur, j'énonce simplement un fait. Je vais plus loin ; j'affirme qu'il n'a rien laissé dans les maisons, ni même dans les villes ; dans les édifices publics, ni même dans les temples ; rien chez les Siciliens, rien chez les citoyens romains ; en un mot, que dans la Sicile entière, tout ce qui a frappé ses regards ou excité ses désirs, décorations privées et publiques, ornements profanes et sacrés, tout est devenu sa proie.
Puis-je mieux commencer, Verrès, que par la ville qui fut toujours l'objet de tes plus chères affections, que par tes propres panégyristes ? En voyant à quel point les Mamertins, tes amis, ont été victimes de tes déprédations, on concevra plus facilement ce que durent éprouver ceux qui te haïssent, qui t'accusent, qui te poursuivent.