Le thème mythologique du chant du cygne, déjà présent chez Homère (Hymne XXI, « A Apollon ») ou, plus tard, Eschyle (par ex. Agamemnon, v. 1445), est récurrent dans la littérature. Il est ici évoqué par Platon, dans la bouche de Socrate, dont les derniers instants sont proches. Ovide y fait aussi allusion à propos de la lettre que Didon écrit à Enée avant de mourir. Cf. l'extrait dans la leçon « Didon, entre légende et histoire »

 

Platon, Phédon, 84d-85b : « Le chant du Cygne »

84c (…) A quoi Simmias répondit : « Je vais te dire la vérité, Socrate. Depuis un moment, chacun de nous, en proie au doute, pousse et engage l’autre à te poser une question, car nous avons grande envie de t’entendre, mais nous hésitons à te déranger, de peur que cela ne te soit désagréable dans ta situation. » En entendant cela, Socrate se prit à rire doucement et dit : « Parbleu, Simmias, j’aurais vraiment de la peine à persuader aux autres hommes que je ne regarde pas ce qui m’arrive comme un malheur, quand je ne puis même pas vous en persuader vous-mêmes, et quand vous avez peur de me trouver d’humeur plus chagrine que dans ma vie passée. A ce que je vois, vous me croyez inférieur aux cygnes pour la divination. Quand ils sentent approcher l’heure de leur mort, les cygnes chantent ce jour-là plus souvent et plus mélodieusement qu’ils ne l’ont jamais fait, parce qu’ils sont joyeux de s’en aller chez le dieu dont ils sont les serviteurs. Mais les hommes, par suite de leur crainte de la mort, vont jusqu’à calomnier les cygnes et disent qu’ils déplorent leur trépas par un chant de tristesse. Ils ne réfléchissent pas qu’aucun oiseau ne chante quand il a faim ou froid ou qu’il est en butte à quelque autre souffrance, non pas même le rossignol, l’hirondelle et la huppe, qui chantent, dit-on, pour lamenter leur douleur. Mais moi, je ne crois pas qu’ils chantent de tristesse, pas plus que les cygnes ; je pense, au contraire, qu’étant les oiseaux d’Apollon, ils sont devins et que c’est parce qu’ils prévoient les biens dont on jouit dans l’Hadès, qu’ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu’ils ne l’ont jamais fait pendant leur vie. Or je me persuade que je suis moi-même attaché au même service que les cygnes, que je suis consacré au même dieu, que je tiens de notre maître un don prophétique qui ne le cède pas au leur, et que je ne suis pas plus chagrin qu’eux de quitter la vie. C’est pourquoi, à cet égard, vous n’avez qu’à parler et à faire toutes les questions qu’il vous plaira, tant que les onze des Athéniens le permettront.

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