Traduction d'Eugène LASSERRE, Tite-Live, Histoire romaine. T. 6, Paris, Classiques Garnier, 1949

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21. Marcius fut ensuite envoyé chez les barbares pour mettre ceux qui, d'aventure, n'étaient pas encore complètement domptés, sous les lois et les ordres des Romains ; Scipion revint à Carthagène afin de s'acquitter des voeux qu'il avait faits aux dieux, et de donner les combats de gladiateurs qu'il avait préparés à l'occasion de la mort de son père et de son oncle. Les gladiateurs de ce spectacle ne furent pas de ces hommes dont les entrepreneurs forment d'habitude leurs paires, esclaves descendant du plateau de vente, ou hommes libres qui mettent leur sang à prix. Tout volontaire et gratuit fut le concours des combattants. Les uns, en effet, furent envoyés par les roitelets pour montrer un exemple du courage naturel à leur race ; d'autres proclamèrent, d'eux-mêmes, qu'ils allaient se battre pour être agréables à leurs chefs ; d'autres, l'émulation, la rivalité les poussèrent à défier des adversaires ou à ne pas refuser des défis ; certains, ayant des différends qu'ils n'avaient pas pu ou voulu terminer par la discussion, après avoir convenu entre eux que l'objet du litige suivrait le vainqueur, en décidèrent par le fer. Deux hommes qui n'étaient pas de naissance obscure, mais illustres et en vue, Corbis et Orsua, deux cousins germains, se disputant le principat d'une cité nommée Ibis, déclarèrent qu'ils combattraient par le fer. Corbis était l'aîné ; mais le père d'Orsua avait été prince le dernier, ayant hérité le principat de son frère aîné, après la mort de celui-ci. Scipion voulant, par de simples paroles, trancher leur différend et apaiser leurs colères, tous deux lui dirent qu'ils avaient refusé cet arbitrage à des parents communs, et que, parmi les dieux et les hommes, ils n'auraient d'autre juge que Mars. Fiers, l'aîné de sa force, le plus jeune de la fleur de sa jeunesse, aimant mieux mourir au combat que d'être sujet l'un de l'autre, comme on ne put les arracher à une telle fureur, ils offrirent à l'armée un spectacle remarquable, et une leçon exemplaire du mal immense que le désir du pouvoir cause parmi les mortels. L'aîné, par son habitude des armes et son adresse, l'emporta facilement sur la force brute du plus jeune. A ces combats de gladiateurs s'ajoutèrent des jeux funèbres, en rapport avec les ressources de la province et les moyens d'un camp.