Le mythe d'Amphitryon

 

 

GIORGIO VASARI, Hercule étouffant les deux serpents sous le regard d'Alcmène et de Jupiter. Palazzo Vecchio. Florència

Arbre généalogique

ALCMÈNE

Gr. Alkmènè. Lat. Alcmena ou Alcmène. Fille d'Electryon et d'Anaxo. Elle épousa son cousin Amphitryon, roi de Thèbes. Mère d'Héraclès.

Une femme tenace

Les frères d'Alcmène avaient été tués par des Taphiens venus voler des troupeaux. Lorsque son cousin Amphitryon vint la demander en mariage, Alcmène n'accepta que sous réserve qu'il punirait les assassins. Amphitryon récupéra d'abord les troupeaux mais, en les rendant à Electryon, il tua accidentellement son futur beau-père. Il fut pour cela exilé par Sthénélos I, frère d'Electryon. Alcmène l'accompagna mais refusa obstinément d'être sa femme tant qu'il n'aurait pas physiquement châtié les Taphiens. Amphitryon dut donc partir en guerre contre eux.

«Le véritable Amphitryon... »

C'était là toute une mise en scène imaginée par Zeus. Le roi des dieux s'était en fait réservé Alcmène. Pour la séduire, il prit les traits d'Amphitryon pendant que le véritable était aux armées. Zeus voulait avoir d'une mortelle un fils mortel, mais exceptionnellement fort pour l'aider dans la grande bataille qu'il déclencherait un jour contre les Géants. Or la réputation d'Alcmène était grande et, on l'a vu, son caractère bien trempé. C'était une mère digne du projet divin. Elle fut d'ailleurs la dernière conquête féminine de Zeus dans le monde des humains. Alcmène fut très surprise quand revint son véritable mari. Elle croyait avoir déjà consommé le mariage. Le devin Tirésias leur expliqua ce qu'il en était, et Alcmène « connut» enfin le véritable Amphitryon.

Accouchement dramatique

Voilà Alcmène enceinte à la fois d'un dieu et d'un homme et destinée à mettre deux enfants au monde. Le fils du dieu serait Héraclès. Le fils du mortel, Iphiclès. Cependant Zeus annonçait à qui voulait l'entendre qu'il aurait bientôt un fils exceptionnel de la famille de Persée. Sa divine épouse, Héra, en fut jalouse, surtout quand elle eut deviné que son mari ferait de l'enfant le roi de l'Argolide, terre qui lui était consacrée. Or, un autre prétendant au trône d'Argolide allait naître également : Eurysthée. Ce fils de Sthénélos, descendant, comme Electryon, de Persée, aurait autant de titres à réaliser la prophétie de Zeus. Il fallait donc à tout prix retarder, voire empêcher la délivrance d'Alcmène pour qu'Eurysthée pût l'emporter par droit d'antériorité.

Héra avait une recette. Elle envoya Ilithyie, déesse des accouchements, avancer la naissance d'Eurysthée et arrêter celle d'Héraclès. Ilithyie alla s'asseoir sur le seuil d'Alcmène. Il suffisait qu'elle demeurât immobile en croisant les bras, les jambes, les doigts et les orteils pour que la naissance ne se déclenchât point. Alcmène allait étouffer et mourir avec son enfant. Mais l'imprévu se produisit. Est-ce un hasard ? Est-ce une ruse ? La servante d'Alcmène sortit brusquement en criant que sa maîtresse venait d'accoucher. Surprise, Ilithyie quitta aussitôt la pose et courut dans la maison. Le sortilège perdit son effet et Héraclès vint au monde. Cependant Eurysthée avait eu le temps de naître et Héraclès, au lieu de devenir le grand roi que Zeus avait rêvé, serait un jour l'esclave d'Eurysthée. On dit qu'Amphitryon chercha à punir sa femme par le feu pour l'infidélité qu'elle avait commise — inconsciemment — avec Zeus, mais celui-ci arrêta la tentative... en faisant tomber la pluie.

Le triomphe d'Alcmène

II existe au moins deux versions du destin d'Alcmène à la fin de sa vie. L'une dit qu'après la mort d'Amphitryon elle épousa le Crétois Rhadamanthe et habita la Béotie. L'autre se rapporte à la haine interminable qui sépara son fils Héraclès et cet Eurysthée, roi de Mycènes et de Tirynthe, fils de Sténélos frère d'Electryon, donc cousin d'Alcmène. Après la mort d'Héraclès, l'hostilité d'Eurysthée se tourna contre Alcmène. Elle dut s'enfuir en Attique avec ses petits-enfants, les Héraclides. Eurysthée envahit l'Attique mais il fut battu et fait prisonnier. Alcmène exigea sa mort. Quand elle mourut elle-même, la légende dit qu'on mit à sa place une grosse pierre dans le cercueil, tandis qu'Hermès la transportait dans l'île-séjour des Bienheureux. C'est là qu'elle aurait retrouvé et épousé Rhadamanthe, le juge des morts (Euripide, Les Héraclides).

AMPHITRYON

Roi de Thèbes, fils d'Alcée (donc petit-fils de Persée) et d'une fille de Pélops, Astydamie ou Lysidique. Son oncle Electryon était devenu roi d'Argolide (à Mycènes) après la mort de Persée. Amphitryon désirait épouser sa fille, sa cousine Alcmène. Mais Alcmène et son père exigèrent qu'Amphitryon allât d'abord châtier les Taphiens qui étaient venus leur voler des troupeaux et qui avaient tué les frères d' Alcmène. Les gens de Taphos avaient conduit les troupeaux à Elis. Amphitryon commença par aller les récupérer. En ramenant le bétail, il eut un geste malheureux. Il lança son bâton à une bête rétive et... tua son futur beau-père.

Sthénélos, frère d' Electryon, bannit le meurtrier involontaire et en profita pour occuper le trône de Mycènes. Alcmène accompagna Amphitryon dans son exil à Thèbes, où il se fit purifier par Créon. Mais elle continua à refuser de consommer le mariage tant que les Taphiens n'auraient pas été punis : avoir repris les bêtes ne suffisait pas. Amphitryon demanda son aide à Créon. Celui-ci accepta mais une nouvelle condition allait encore retarder les projets. Il fallait qu'Amphitryon tuât une renarde qui empoisonnait la vie des Thébains. La bête, envoyée par Héra (ou par Dionysos), errait dans les monts de Teumesse et mangeait chaque mois un jeune homme. Pour l'aider dans sa chasse, le roi d'Athènes, Céphale, lui prêta son chien Laelaps contre la promesse d'avoir part au butin qui serait pris aux Taphiens.

La chasse terminée (le chien et la renarde ayant été métamorphosés en pierre par Zeus), Amphitryon partit en effet cette fois en campagne, aidé de Créon, de Céphale, de son oncle Heleios, de Panopée et de plusieurs Locriens. A Taphos régnait Ptérélas, roi des Téléboens. Lui en vie, sa cité était imprenable. Mais sa vie ne tenait qu'à un cheveu. Un cheveu d'or qu'il suffirait de couper. Sa fille Comaetho s'en chargea. Il faut dire qu'elle était tombée amoureuse d'Amphitryon. L'élu de son cœur n'en tint aucun compte et la fit mourir pour sa traîtrise. Il distribua les îles des Taphiens à ses alliés : Céphallénie à Céphale et le reste à Heleios.

Là-dessus, sa mission accomplie, il s'en revint à Thèbes pensant pouvoir enfin jouir des embrassements d'Alcmène. Il se trouva que Zeus l'avait devancé dans le lit en empruntant ses traits. Amphitryon connut la véritable identité de son rival en consultant le devin Tirésias qui résidait à Thèbes. Il apprit même que le roi des dieux avait allongé la nuit de trois fois sa durée pour qu'un accouplement prolongé lui permît d'engendrer un héros trois fois plus fort.

Deux enfants naquirent : l'un très fort, Héraclès, le fils de Zeus, l'autre plus chétif, Iphiclès, le fils d'Amphitryon. Bien des années plus tard, Lycos, usurpant le trône de Créon, menaça d'anéantir la famille d'Héraclès en l'absence du héros. Celui-ci revint assez tôt pour sauver sa famille mais, devenu fou, il tua lui-même ses enfants et sa femme et il s'apprêtait à tuer Amphitryon quand Athéna l'assomma d'un coup de pierre. Héraclès ne put se purifier qu'en acceptant d'être esclave et d'accomplir force travaux . Quant à Amphitryon, il périt dans une bataille contre le roi d'Orchomène et les Minyens.

 

Le sujet d'Amphitryon se prête à la comédie. Toutes les œuvres dérivent de la célèbre pièce latine de Plaute, Amphitruo, dont la descendance est très riche, jusqu'à l'Amphitryon de Molière et à l'Amphitryon 38 de Giraudoux, ainsi nommé par son auteur parce qu'il assure que c'est la trente-huitième version du sujet.

Le terme Amphitryon désigne dans la langue usuelle la personne qui invite à dîner, le maître de maison chez qui l'on dîne. L'expression vient d'une réplique de la comédie de Molière Amphitryon. Jupiter (Zeus) s'est caché sous les traits d'Amphitryon pour rencontrer Alcmène, la femme de celui-ci. A un certain moment, les deux Amphitryon, le faux (Jupiter) et le vrai, se trouvent en présence l'un de l'autre. Jupiter éclaircit le mystère et invite tout le monde à festoyer. Alors Sosie, le valet du vrai Amphitryon, s'écrie :

« Le véritable Amphitryon

Est l'Amphitryon où l'on dîne. »

Extraits tirés du Nouveau dictionnaire de la mythologie, de Raymond Jacquenod, Marabout

Jeu à faire sur les noms propres devenus noms communs : ici 

Fiche documentaire faite par Dominique Augé qui fait le point sur les œuvres en lien avec cette légende :

http://helios.fltr.ucl.ac.be/auge/herakles/fiche_documentaire.html

Vous pouvez aussi parcourir le module Héraklès un héros à toute épreuve, mais attention, les textes étudiés sont en grec !

Enfin, pour en savoir plus sur le mythe en images et vous instruire sur la céramique grecque, visitez ce site "Images analyses" de l'université de Paris :

Ouvrir l'object multimédiacliquez sur l'image.

D’après l’analyse de Christophe Genin