Cicéron, De l'Orateur, livre II, traduction Nisard

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[1, 5] L'éloquence exige une foule de connaissances variées, sans quoi il ne reste plus qu'une vaine et futile abondance de mots. Il faut, dans la composition du discours, choisir soigneusement les termes, et en étudier l'arrangement; il faut connaître à fond toutes les passions que la nature a mises dans le coeur de l'homme, puisque tout l'effet du discours consiste à émouvoir ou à calmer les âmes ; il faut joindre à ces qualités les grâces, l'enjouement, l'élégance d'un homme bien né, la rapidité et la précision dans la réplique ou dans l'attaque, unies à la délicatesse et à l'urbanité. L'orateur doit encore avoir une connaissance approfondie de l’antiquité, afin de s'appuyer au besoin de l'autorité des exemples; et il ne doit pas négliger l'étude des lois et du droit civil. Parlerai-je de l'action, qui comprend les attitudes, le geste, l'expression des traits, les inflexions si variées de la voix? Cette seule partie renferme elle-même d'extrêmes difficultés, et l'art frivole du comédien peut nous en donner une idée. Les acteurs passent leur vie à former leur voix, à composer leurs traits et leurs gestes; et cependant combien il en est peu qui nous paraissent supportables ! Que dirai-je de la mémoire, ce trésor de toutes nos connaissances ? Si elle ne conserve les conceptions de la pensée, si elle ne recueille fidèlement et les idées et les mots, les talents les plus précieux seront perdus pour l'orateur.