Théme 2 esclave

 

        Non est, mi Lucili, quod amicum tantum in foro et in curia quaeras : si diligenter adtenderis, et domi invenies. Saepe bona materia cessat sine artifice : tempta et experire. Quemadmodum stultus est qui equum empturus non ipsum inspicit sed stratum eius ac frenos, sic stultissimus est qui hominem aut ex veste aut ex condicione, quae vestis modo nobis circumdata est, aestimat. 'Servus est.' Sed fortasse liber animo. 'Servus est.' Hoc illi nocebit ? Ostende quis non sit : alius libidini servit, alius avaritiae, alius ambitioni, omnes timori. Dabo consularem aniculae servientem, dabo ancillulae divitem, ostendam nobilissimos iuvenes mancipia pantomimorum : nulla servitus turpior est quam voluntaria. Quare non est quod fastidiosi isti te deterreant quominus servis tuis hilarem te praestes et non superbe superiorem : colant potius te quam timeant. Dicet aliquis nunc me vocare ad pilleum servos et dominos de fastigio suo deicere, quod dixi, 'colant potius dominum quam timeant'. 'Ita' inquit 'prorsus colant tamquam clientes, tamquam salutatores ?' Hoc qui dixerit obliviscetur id dominis parum non esse quod deo sat est. Qui colitur, et amatur : non potest amor cum timore misceri. Rectissime ergo facere te iudico quod timeri a servis tuis non vis, quod verborum castigatione uteris.

Sénèque, Lettres à Lucilius, XLVII, 16

                                                                                             

 Il n'y a pas de raison, cher Lucilius, pour que tu cherches un ami seulement au Forum ou dans la Curie : si tu fais bien attention, tu le trouveras aussi chez toi. Souvent, un bon matériau ne donne rien sans artisan : risque-toi, essaie ! Sot est celui qui pour acheter un cheval ne l'examine pas lui-même, mais sa selle et son frein, de même très sot est celui qui estime la valeur d'un homme à son vêtement ou à sa condition, qui nous entoure à la manière d'un vêtement. « C'est un esclave. » Mais il se peut bien qu'il ait l'esprit libre. « C'est un esclave. » Cela lui causera du tort ? Montre-moi qui ne l'est pas : l'un est esclave de son envie, un autre de son avarice, un autre de son ambition, tous de la peur. Je te citerai un ancien consul esclave d'une petite vieille, je te citerai une petite servante asservissant un riche, je te montrerai des jeunes gens des plus grandes familles à la merci de pantomimes : nulle servitude n'est plus honteuse que la volontaire. Aussi, il n'y a pas de raison pour que ces orgueilleux t'empêchent de te montrer aimable envers tes esclaves, et supérieur, mais sans superbe : qu'ils respectent plutôt qu'ils craignent. On dira maintenant que j'appelle les esclaves à l'affranchissement, et que je jette les maître du haut de leur dignité, parce que j'ai dit « qu'ils respectent plutôt qu'ils craignent ». « Qu'ils respectent, me dira-t-on, exactement comme s'ils étaient des clients, des salutateurs ? » Celui qui parle ainsi oublie que ce qui est assez pour un dieu n'est pas trop peu pour les maîtres. Qui est respecté est aussi aimé : l'amour ne peut être mêlé de crainte. Je pense donc que tu as parfaitement raison de ne pas vouloir être craint de tes esclaves, et de les châtier par des paroles.

Sénéque