LUCIEN : L'HISTOIRE VERITABLE

" Les Habitants de la Lune "

 

Objectif Lune et On a marché sur la Lune

 

Extrait du site TINTINOPHILE :


Le mythe du voyage vers la Lune est l’un des plus anciens qui soient. Dès le XVIIème siècle, des ouvrages de pure imagination avaient décrit de folles équipées dans l’espace. En 1865, De la Terre à la Lune de Jules Verne marqua l’entrée d’une rigueur scientifique dans ce domaine. L’ouvrage fit rapidement école et de nombreux romans abordant le même thème parurent au début du siècle, dont celui de H.G. Wells, Les Premiers Hommes sur la Lune. Les films de Méliès (Le Voyage dans la Lune, 1903) et de Fritz Lang (La Femme sur la Lune, 1928) vinrent bientôt prendre le relais et mettre en images ces rêveries.

Avec le long récit qu’Hergé commence à faire paraître dans le Journal de Tintin le 30 mars 1950, il ne s’agit pourtant pas de merveilleux et de scientifique, pas de Sélénites, pas de monstres, pas de surprises fabuleuses, mais une anticipation aussi précise que possible, fondée sur une documentation de première main que l’auteur dit s’être contenté de romancer.

Sans doute pour accroître encore la rigueur de l’entreprise, Hergé songea de bonne heure à y associer des spécialistes du sujet. Dans une lettre datée de septembre 1947, le Docteur Bernard Heuvelmans fait allusion au voyage de Tintin sur la Lune comme à un projet déjà ancien pour lequel il continue d’amasser de la documentation. Quelques mois plus tard, il propose à Hergé un véritable scénario, écrit en collaboration avec Jacques van Melkebeke, alors rédacteur en chef du Journal de Tintin.

Cette première version de l’aventure lunaire était située aux Etats-Unis et faisait réintervenir le personnage d’Hippolyte Calys, le savant de L’Etoile mystérieuse, dans un rôle de traître. Avec la première et seule planche réalisée à partir d'un scénario, on se rend rapidement compte que ce début d’histoire n’est qu’un médiocre pastiche. La lecture de la suite du synopsis permet de voir tout ce qui sépare une histoire à la Hergé d’une véritable aventure de Tintin.

De ce travail très documenté fourni par Heuvelmans et van Melkebeke, Hergé ne conserva en fait que quelques rares séquences où le réalisme documentaire sert de départ à un gag. Il s’agit essentiellement de la scène où les personnages flottent dans l’apesanteur à la suite de l’arrêt du moteur, Haddock contemplant avec effarement son whisky qui s’est littéralement mis en boule, et de celle où le capitaine, sorti de la fusée dans un moment d’ivresse, manque de devenir un nouveau satellite d’Adonis.

Malgré l’abandon presque total de ce premier scénario, Hergé n’en continuera pas moins de collaborer avec Heuvelmans, sur une base plus technique cette fois. Une extraordinaire maquette de la fusée fut par exemple réalisée. Elle comporte quinze éléments principaux et fonctionne grâce au moteur atomique découvert par Tournesol. Un moteur auxiliaire fonctionne au départ et à l’arrivée pour éviter les radiations. Elle peut alunir ou atterrir grâce à une manoeuvre de retournement provoquée par des réacteurs latéraux. Si ce modèle de fusée n’a pas vu le jour, c’est que les savants n’ont pas réussi à résoudre le problème du moteur atomique. Elle fut soumise à l’approbation d’Ananoff, l’auteur du livre L’astronautique. Entièrement démontable, ce modèle réduit devait permettre à Bob de Moor, principal responsable des décors, de savoir à chaque instant à quel endroit du vaisseau spatial se trouvaient les personnages. Ce constant souci du détail donne à l’ensemble de l’aventure une remarquable qualité de vraisemblance.

Elaborer un récit attrayant à partir d’un matériau aussi ardu était pourtant loin d’aller de soi et plus d’un dessinateur se serait cassé les dents sur ce sujet en le transformant en un laborieux documentaire. Objectif Lune surtout contient en effet beaucoup de développements techniques extrêmement précis qui auraient pu devenir fort ennuyeux, particulièrement pour les plus jeunes lecteurs. Pourtant, Hergé ne se prend jamais trop au sérieux et, quelle que soit la complexité des matières qu’il traite, il ne craint pas d’y introduire des éléments humoristiques, grâce au capitaine notamment, et qui donnent à toutes ces scènes une merveilleuse légèreté.

Ce double album est aussi un récit d’aventures à part entière et pas seulement un reportage sur une expédition dans l’espace. Une vraie dimension romanesque est introduite progressivement dans l’histoire. Régulièrement, un peu à la manière de ce qui se passe dans L’Etoile mystérieuse, le point de vue d’ennemis d’inconnus qui commentent ironiquement les progrès des recherches de nos héros nous est présenté. Ce n’est qu’à la page 40 de On a marché sur la Lune que cet aspect éclate véritablement, avec l’entrée en scène du colonel Jorgen, alias Boris, et la révélation de la trahison de l’ingénieur Wolff.

En plus de toutes ces qualités documentaires, la plus grande réussite de l’œuvre d’Hergé est d’avoir su remarquablement traiter l’aspect humain de la conquête de la Lune longtemps avant sa réalisation. L’angoisse au départ des astronautes, le dialogue avec la Terre, les préparatifs de l’alunissage, l’émotion provoquée par les premiers pas sur la Lune, la joie des techniciens restés sur terre, tout cela Hergé l’a parfaitement rendu grâce à son grand talent de conteur, à tel point que les lecteurs de Tintin ont eu l’impression de vivre une seconde fois ces péripéties lors du vol historique d’Apollo XI. Dans la nuit du 21 Juillet 1969, les pas mythiques de Tintin se sont confondus dans notre esprit avec ceux d’Armstrong.

L’ingénieur Wolff est un personnage inhabituel dans l’œuvre d’Hergé. Il introduit dans l’album une note véritablement tragique. L’ingénieur s’est d’abord laissé entraîner par son goût du jeu, puis sa faiblesse l’a conduit à se soumettre à un chantage de plus en plus pressant. La lettre que l’ingénieur abandonnera dans la fusée avant de disparaître dans l’espace laissera pourtant toujours Hergé insatisfait. Ce que l’auteur dit des circonstances de l’élaboration de ce message donne idée des pressions auxquelles un créateur de bande dessinée pouvait être soumis au début des années cinquante.

Dans sa lettre d’adieu, Wolff écrit notamment : Quant à moi, peut-être un miracle me permettra-t-il d’en réchapper aussi… Cela, c’est le fruit de l’intervention d’un certain nombre de personnages bien pensants, troublés par le fait qu’il s’agissait d’un suicide. Mais pas du tout, avais-je répliqué, c’est un sacrifice ! Le soldat qui se fait sauter avec un pont, l’Eglise lui refusera-t-elle son ticket pour le paradis ? Mais il fallait sortir de cette impasse et j’ai fini par céder, et par écrire cette sottise : Peut-être un miracle me permettra-t-il d’en réchapper. Il n’y a pas de miracle possible : Wolff est condamné et il le sait mieux que quiconque.

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Responsable pédagogique et contact FR : G. Cherqui

Auteur de la leçon : S. Van Esch

Dernière mise à jour : 10 novembre 2005