Le mythe des individus de forme ronde:

Platon, Le Banquet

 

Document : A propos de Platon...

 

[tiré de : Léon ROBIN, La pensée grecque et les Origines de l'Esprit scientifique, Paris , La Renaissance du Livre, 1928]


" I. La vie de Platon


Platon appartenait à une famille aristocratique, qui, du côté de son père, prétendait être du sang royal de Codrus et, du côté de sa mère, se rattachait indirectement à Solon. Plusieurs de ses proches, Critias, Charmide étaient, on l'a vu, parmi les têtes du parti oligarchique, dont Sparte était l'appui. Né vraisemblablement vers 428/7, Platon, au sortir de son temps d'éphébie, pendant lequel il prit part peut-être à quelques expéditions militaires, devient l'élève de l'héraclitéen Cratyle, puis, vers sa vingtième année, commence à fréquenter Socrate.

Il eut de très bonne heure des visées politiques. C'est donc sans doute, comme tant d'autres jeunes hommes de son rang, comme avant lui Critias et Charmide, ou ses frères aînés Adimante et Glaucon, en amateur curieux qu'il vient vers l'apôtre. Mais il ne tarde pas à s'attacher étroitement à lui, peut-être surtout parce qu'il trouve dans ses entretiens la conception d'une politique réglée selon ia justice. Désormais, c'est en philosophe qu'il attend le moment de prendre part aux affaires. Ce moment semble venu, quand en 404 la prise d'Athènes par Lysandre donne le pouvoir à l'aristocratie : Critias est l'un des trente archontes suprêmes; Charmide, un des dix archontes du Pirée ; il est appelé lui
même, semble-t-il, à des fonctions en rapport avec son âge. Mais la désillusion fut prompte : ce n'était pas ainsi qu'il avait conçu le gouvernement des meilleurs. Il rompt sans doute avec le parti, avant la révolution qui en 401 restaure la démocratie. Épisode d'une ère de vengeances, la condamnation de Socrate devait bientôt ruiner en lui tout espoir d'une régénération politique de son pays sur les bases de son organisation sociale traditionnelle.


Après un séjour à Mégare, dont on faisait à tort autrefois une
époque dans sa vie, Platon, en dépit de la tradition, paraît s'être installé à demeure à Athènes et y avoir pris position comme philosophe, peut-être même comme chef d'une école. Un voyage, dont la durée ne semble pas avoir excédé deux ou trois ans, le conduit d'abord vers l'Égypte, dont ses écrits semblent révéler une connaissance directe ; puis à Cyrène, toute proche, où il se serait lié avec le mathématicien Théodore, un despersonnages de la trilogie du Théétète; ensuite dans la Grande Grèce, sans doute pourmieux connaître les doctrines des Pythagoriciens et surtout pour voir à l'oeuvre, là où il subsistait encore, par exemple à Tarente avec Archytas, un gouvernement des philosophes ; enfin, en 388 pour la première fois, dit la VIIe lettre, à Syracuse où régnait Denys l'ancien, et peut-être avec le désir d'inculquer à ce prince, au sujet de la place à donner dans l'État aux philosophes, des idées analogues à celles qu'expose le Ve livre de la République. Le voyage finit mal. L'admiration inspirée par Platon au jeune Dion, beau-frère et gendre du tyran, et dont la personnalité vigoureuse était suspecte, les théories politiques du philosophe, les remontrances que lui inspirait la vie dissolue de la cour, tout cela le rendit bientôt insupportable à Denys et à son entourage. On l'embarqua sur un navire spartiate qui le déposa à Égine, alliée de Sparte contre Athènes ; prisonnier de guerre, il aurait pu, dit-on, en vertu d'un récent décret des Éginètes, être mis à mort ; on se contenta de le retenir jusqu'au paiement d'une rançon. Celle-ci ayant été versée par uncitoyen de Cyrène, avec lequel il avait sans doute été lié dans cette ville, il put enfin regagner Athènes.


C'est peu après, et vers 387, que Platon fonda son école ou, plus probablement, l'établit à ses frais dans un beau domaine, planté d'arbres, arrosé de sources, au milieu duquel s'élevait un gymnase : le parc du héros Académus, sur la route d'Eleusis, à peu de distance du Céphise et de l'illustre bourg de Colone. Quelle que pût être dès lors son activité de maître et d'écrivain, il semble bien que l'espoir de réaliser la Cité de la Justice hante toujours son esprit. Il n'avait cessé d'entretenir des relations avec Dion, et quand, après la mort du vieux Denys, au début de 367, son neveu, le second Denys, lui eut succédé, il se laissa aisément persuader par Dion que le nouveau prince, encore tout jeune, serait le docile instrument de leurs desseins. Il partit donc pour la Sicile (367/6). Mais cette seconde expérience ne fut pas plus heureuse que la première. Denys eut bientôt

fait de prouver à Platon et à Dion l'étendue de leurs illusions. Il exila Dion, dont il avait découvert la politique secrète, et installa Platon à demeure dans son palais, l'entourant d'égards jaloux et tracassiers. Obligé de partir en guerre, il lui rendit enfin sa liberté. A Athènes, Platon retrouve Dion, en faveur de qui il a obtenu du tyran les plus fermes promesses. Mais
Denys, qui en retarde sans cesse l'exécution, y met enfin pour condition le retour de Platon à Syracuse. Malgré son âge et les risques évidents, le philosophe se décide, dans l'intérêt de son ami, à accomplir ce nouveau voyage (361). Très vite, la duplicité de Denys fut manifeste ; Platon put même craindre pour sa vie ; il ne dut qu'à l'énergique intervention d'Archytas, au nom des Tarentins, de sortir sans dommage de cette aventure. La stérilité, pour le succès de ses plans politiques, de l'expédition de Dion contre Denys (357/6), le meurtre de Dion après quatre ans de difficultés et d'agitations, la disparition de l'homme en qui il pensait avoir trouvé le disciple intégral de sa philosophie, le seul capable d'en réaliser l'objet dernier, toutcela dut contribuer à attrister la vieillesse de Platon. L'âge n'avait pas affaibli cependant son puissant génie : si l'activité
de l'écrivain s'était peut-être ralentie, celle du maître ne cessait en revanche de s'employer, dans l'enseignement oral, à enrichir la doctrine de développements nouveaux et à lui donner une plus forte systématisation. Au reste, il n'avait pas complètement cessé d'écrire : il achevait les Lois quand la mort le surprit brusquement, à quatre-vingt-un ans (347/6).


II. Les écrits de Platon


Par une rare et heureuse exception, Platon nous est connu par la totalité de son oeuvre écrite. Il est très probable en effet que le Philosophe quidevait faire pendant au Sophiste et au Politique, et Hermocrate, au Timée et au Critias, sont restés à l'état de projet. Quant au livre de Divisions, dont parle à plusieurs reprises Aristote, c'était sans doute moins un ouvrage, à proprement parler, qu'une sorte de nomenclature d'école.


Le problème est plutôt de savoir si tous les écrits de notre collection appartiennent bien à Platon. Sans doute, il est probable que de bonne heure, dans les bibliothèques et même dans celle de l'Académie, on a mêlé aux écrits de Platon des ouvrages issus de l'entourage de Platon, ou dans lesquels était traitée, sous la forme du dialogue platonique, quelque question à la mode. C'est ainsi que, dans les catalogues d'érudits, ceux d'Aristophane de Byzance ou de Thrasylle, qui a accrédité la classification tétralogique demeurée traditionnelle, on trouve des écrits dont l'authenticité était déjà mise en doute par les anciens, comme par exemple l'Épinomis (Appendice aux Lois) qu'on attribuait généralement à Philippe d'Oponte, l'éditeur des Lois. On suspectait aussi Axiochus, Éryxias, etc. A Speusippe,ou rapportait les Définitions. Quant aux prétendus doutes de Panétius sur l'authenticité du Phédon, ils concernent, semble-t-il, non l'ouvrage, mais sa thèse principale. Par contre, on ne doutait ni de Théagès, ni de Clitophon, ni de Minos, que tout le monde aujourd'hui tient pour apocryphes. Il en est d'autres au sujet desquels les critiques contemporains sont encore divisés : ainsi les deux Alcibiade, le premier Hippias, enfin les Lettres. Le temps est bien passé où sévissait l'hypercritique, qui était arrivée, avec Schaarschmidt (1866), à rejeter vingt-sept dialogues sur les trente-six qui forment notre collection. On condamnait par exemple le Parménide, le Sophiste, le Politique, le Philèbe. On excluait tel ou tel dialogue, parce qu'il ne s'accordait pas avec l'idée qu'on s'était faite par avance du système de Platon ou de l'évolution de sa pensée. L'emploi de critères objectifs, comme les allusions, plus ou moins explicites d'ailleurs, d'Aristote, ou comme la considération de la langue, a permis de faire justice de ces fantaisies. ... "

Liste :

  • Dialogues de la jeunesse : Lachès, Charmide, Hippias I et II, la République (livre I), la Justice, Criton, Euthyphron, Gorgias.
  • Dialogues de la maturité : Ménon, Cratyle, le Banquet, Phédon, la République, Phèdre, Théétète, Parménide.
  • Les dernières oeuvres : Le Sophiste et le Politique, Philèbe, Timée, les Lois, ...

 

 

 


 

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Responsable pédagogique et contact FR : G. Cherqui

Editrice de la leçon : S. Van Esch , relecture et compléments : V.Mestre-Gibaud
Dernière mise à jour : 3 avril 2005