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Extrait du cours de P.-A. Deproost

Les récits, de structure aristotélicienne, possèdent un début, un milieu et une fin ; ils sont divisés en scènes qui développent la situation jusqu'à la crise (voir e.g. la prise de Gabies en I, 53, 4 sq). Les transitions sont toujours très soignées. Mais c'est dans l'épisode central que se déploient le mieux la puissance dramatique de Tite-Live, ses dons d'évocateur des grands sentiments populaires, des foules en proie à la joie, à la tristesse, à l'angoisse, à la haine. Jamais toutefois Tite-Live, qui appartient encore à une génération classique, ne se complaît en scènes d'horreur comme l'avaient fait plus d'un historiographe grec et comme le feront des historiens plus tardifs, comme par exemple Ammien Marcellin au IVe siècle. Cela dit, Tite-Live excelle à dégager les passions collectives par un découpage minutieux des masses et du temps, grâce à des formules du type : alii...alii, partim...partim, nunc...nunc. Souvent de telles descriptions sont absentes de ses sources, mais puisqu'il vit l'histoire par l'intérieur, il recrée avec une étonnante vérité les scènes dont il connaît le pouvoir émotif. Selon la technique hellénistique de la saphèneia ou clarification, Tite-Live tantôt simplifie un récit embrouillé, tantôt explique les événements par des considérations géographiques ou historiques, tantôt s'efforce de tirer au clair des procédures romaines ou étrangères complexes. Pour les récits de bataille, où Tite-Live est obligé de compenser son incompétence technique, il adopte un schéma standardisé où la succession chronologique est soulignée par des mots comme primo, mox, deinde, postremo, et où les données tactiques sont clairement indiquées par la description successive de ce qui se passe aux différents endroits du théâtre de l'action. Mais cette standardisation est elle-même tempérée par le souci d'individualiser chaque bataille par des procédés plus ou moins topiques (combat individuel de deux héros, deus ex machina, psychologie et vie intérieure des combattants, etc.). Pour le récit des sièges (e.g. siège de Syracuse en XXIV, 3 sq), Tite-Live comble son manque de documentation et son inexpérience technique en concentrant son attention sur les assiégés, leurs réactions, leurs angoisses, leur courage, l'aspect dramatique, pathétique ou tragique de la situation. Dans ses récits, Tite-Live est d'abord un psychologue curieux des réactions humaines, et ses descriptions, rarement objectives, sont toujours vues à travers le caractère des protagonistes en action.