TITE-LIVE : La seconde guerre punique

Deux grands hommes : Hannibal et Scipion

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FICHES DE VOCABULAIRE

 

TEXTE 1

Le lexique du portrait

  • Le visage

uoltus (uultus), us, m : désigne le visage en tant qu'interprète des sentiments de l'âme. La racine uol (ou uul, uel, uil : all. wollen, angl. will) "vouloir" se retrouve dans uolo (inf. uelle), uoluntas, mais aussi uoluptas.

os, oris, n : bouche en tant qu'organe de la parole (au figuré, "l'embouchure d'un fleuve") et par extension "le visage", au figuré "'expression du visage". Il complète le terme habitus "le maintien" de habeo "(se) tenir" (en français, "habit", "habitude"...). Tite-Live emploie cette même expression une autre fois (XXI, 2) pour décrire le visage d'Hamilcar livré au supplice.

lineamentum, i, n : trait du visage (en français, linéament). Le terme vient du nom linea, "fil de lin"," linge" puis toute espèce d'objet en fil de lin. Par analogie, le mot en vient à désigner toute "ligne tracée", finalement "la ligne de descendance".

  • Le caractère

ingenium, ii, n : dispositions naturelles. Le terme appartient à la (grande) famille de la racine gen, désignant la naissance. Il est composé à l'aide du préfixe in-, comme le français "inné". On connaît bien en latin gens, mais aussi nascor, cognatus..., en français, "genèse", "gens", "géniteur", "génie"...

indole, is, f. : dispositions naturelles, penchants. Le terme signifiait d'abord "accroissement", de la racine al (ol, ul), "nourrir", puis il a pris le sens de ingenium. Tite-Live l'emploie ici pour Hannibal, mais aussi, deux paragraphes plus haut, pour désigner les qualités d'Hasdrubal (XXI, 2).

 

 

 

TEXTE 2

1. Les différents termes pour désigner les embarcations :

  • navis, is, f. est le terme générique, ancien et usuel, signifiant bateau, navire. La racine, grecque et latine, a produit de nombreux dérivés et composés. En français, elle est très représentée, sous la forme nav- ("navire", "navigation", "naviguer"...) ou nau- ("nautique", "nautile", "nausée -mal de la navigation-" et "nauséabond"...).
  • linter, tris, f, désigne la barque à faible tirant d'eau, faite d'un tronc d'arbre creusé. Cf. Galli... cauabant ex singulis arboribus. Voir une représentation.

Pour des détails sur la fabrication des navires, lire l'article nauis du Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio.

  • alueus, i, m, désigne un objet creusé ou en creux, donc, une auge, une cuve, la cale d'un navire ou le lit d'un fleuve. "Par extension, on donnait ce nom à toutes les petites embarcations, particulièrement celles qui étaient faites dans une seule pièce de bois", Daremberg & Saglio. Voir une représentation.
  • ratis, is, f, désigne un assemblage de bois flottants, un radeau, puis un bateau à fond plat. Voir une représentation.

On remarquera que tous ces mots sont féminins, (sauf alueus, mais c'est un dérivé de aluus, qui est féminin).

2. Les différents termes pour désigner le fleuve :

flumen, inis, n, est un dérivé de fluo, "couler", "s'écouler" (en fr. "fluide") et signifie courant, eau qui coule, puis fleuve et rivière.

amnis, is, m a le même sens, mais c'est un terme surtout employé en poésie ; Tite-Live l'utilise une vingtaine de fois (contre une quarantaine de fois flumen...), dans le livre XXI.

Le fleuve est aussi désigné, tout simplement, par le terme aqua, ae, f, l'eau.

 

3. Le préverbe trans- :

Ce préverbe a le sens de au-delà (transire), mais aussi de "de part en part" (transfigere). Il peut aussi marquer le changement total (transformare). trans- se prononçait tras-, dont l's n'était guère prononcé devant une consonne sonore (d, par exemple, au début du radical), ce qui explique l'orthographe (phonétique) de tradere, traducere... Parfois, l'écriture a rétabli l'étymologie, sans tenir compte de la prononciation : transmittere a été écrit trans- par rapprochement avec transire, par exemple, mot dans lequel le -n- restait prononcé (aucune consonne sonore au début du radical).

Comme il s'agit pour Hannibal et ses troupes de traverser (le Rhône ou les Alpes), Tite-Live use et abuse du préverbe trans-. On rencontre dans nos extraits : transuehere, traicere, transire (et transitus, le substantif), tranauare, transmitto, tradere, traducere, et chacun de ces verbes est employé plusieurs fois.

 

 

TEXTE 3

Les verbes déponents :

Ce nom est donné à un certain nombre de verbes de sens actif, qui n'ont que des désinences passives (à l'exception des participes présent et futur, du gérondif et du supin). Les grammairiens latins les ont nommés ainsi parce qu'ils ont "abandonné" (deponere) les désinences actives tout en possédant un sens actif... ou moyen. En effet, leur sens correspond souvent à ce que d'autres langues (comme le grec ancien) comportent sous le nom de voix moyenne : nascor, "naître", morior, "mourir", patior, "souffrir", "endurer", uereor, "craindre"... La voix moyenne indique que le sujet a un intérêt particulier dans l'action.

Voici les verbes déponents des six extraits proposés :

  • tueor, eris, eri, tuitus sum : protéger (texte 3) ; intueor : regarder, considérer (texte 1)
  • proficiscor, eris, i, profectus sum : partir (textes 2, 4)
  • egredior, eris, edi, essus sum : sortir (texte 2), progredior : s'avancer (texte 3), praegredior : devancer (texte 2), transgredior : traverser (texte 2), ingredior : entrer dans, s'engager (textes 2, 3, 4)
  • sequor, eris, i, secutus sum : suivre, poursuivre (textes 2, 3, 5), exsequor : exécuter, effectuer (textes 2, 4), consequor : atteindre (texte 3), prosequor : accompagner, poursuivre (texte 4), adsequor : atteindre (texte 6)
  • depopulor, aris, ari, atus sum : dévaster, ravager (texte 3)
  • circumvehor, eris, vehi, vectus sum : faire le tour (texte 4)
  • orior, iris, iri, ortus sum : naître, tirer son origine (texte 4), adorior : attaquer (texte 2), exorior : naître, se présenter (texte 6)
  • profiteor, eris, eri, professus sum : reconnaître, déclarer (textes 5, 6)
  • aemulor, aris, ari, aemulatus sum : imiter, suivre (texte 6)
  • loquor, eris, i, locutus sum : parler (texte 6)
  • perfungor, eris, i, perfunctus sum : s'acquitter de, avoir (texte 6)
  • videor, eris, eri, visus sum : sembler (texte 6)
  • recordor, aris, ari, atus sum : rappeler, se souvenir (texte 6)
  • molior, iris, iri, itus sum : mettre en mouvement, faire des manoeuvres (texte 6)

Vous trouverez la conjugaison des verbes déponents dans le précis de grammaire.

 

TEXTE 4

Le lexique de la superstition

  • superstitio, onis, f. : superstition ; le nom est issu d'un verbe archaïque superstitare, "protéger" (de super, au-dessus, et de stare, se tenir), "chercher à voir au-delà", mais aussi "être superflu". Le terme s'oppose souvent à religio et désigne tout ce qu'elle n'est pas, c'est-à-dire les observances et les craintes inutiles ou bien l'adhésion à des innovations étrangères. (cf. J.-Cl. Fredouille, Dictionnaire de la civilisation romaine, Larousse, Paris, 1992). Aujourd'hui, le terme désigne tout comportement irrationnel en matière de religon ou en toute situation.
  • diuinitus : l'adverbe est dérivé de l'adjectif diuinus dont il a pris le premier sens, divin.
  • mente monita : mens, mentis, f. et monitus, a, um (participe passé de moneo) relèvent tous les deux de la racine men, penser, d'où, pour le verbe, "attirer l'attention sur", "avertir". En français, la racine est bien représentée : "mental", "prémonition", "admonestation", "moniteur" (monitor, en latin, désignait le souffleur au théâtre)...
  • oraculum, i, n. : oracle ; le terme est dérivé de oro, "prononcer une formule rituelle". Le sens premier serait "lieu où l'on fait requête aux dieux", puis, sur le modèle du grec χρηστήριον, qui signifie à la fois "lieu de l'oracle" et "réponse de l'oracle", le terme aurait pris ce second sens.
  • prodigium, ii, n. : signe prophétique, prodige. L'étymologie n'est pas établie. En français, on a "prodige" et "prodigieux".
  • miraculum, i, n. : chose étonnante (de mirus, a, um : étonnant, étrange merveilleux) et, dans la langue religieuse, prodige, miracle.

 

TEXTE 5

Deux images : robor et flos

flos, oris, m : fleur ; le terme est très fréquemment employé par image, comme d'ailleurs son correspond grec ἄνθος :

  • la fleur apparaît comme la partie la plus belle de la plante, dont elle se détache par sa place comme par son aspect (flos salis : "fleur de sel")
  • la floraison est considérée comme la plus belle époque de la plante, flos aetatis, "fleur de l'âge" ; c'est l'emploi qu'en fait Tite-Live dans notre extrait ; il a aussi l'expression flos iuuentae (XXVIII, 35). Pour d'autres occurrences, on peut consulter la concordance.

d'où, en français, "florilège" (ou "anthologie"...), "florissant", "faire florès" (obtenir du succès)...

robor, oris, n : chêne rouge, rouvre ; l'orthographe robor a été faite d'après le génitif roboris : à l'origine, le terme est robur.

  • Le terme désigne aussi tout objet fait de ce bois, en particulier "le carcan", et par suite "la prison" où les condamnés étaient soumis à ce supplice.
  • Le rouvre passant pour être le plus dur des bois, robur est devenu synonyme de "force","vigueur". Tite-Live l'emploie pour une personne (dans son discours, Scipion en fait l'apanage du citoyen : ciuilis roboris (texte 6)), du soldat : robora uirorum (texte 3), mais aussi pour une armée : robur legionum (XXVIII, 22) ; il applique aussi cette qualité au coeur (au sens de courage) : robore animorum armorumque (XXVIII, 14) ; pour d'autres occurrences, on peut consulter la concordance.

d'où, en français, "robuste" et "robustesse", "corroborer"...

 

TEXTE 6

Le lexique de la domination :

  • Se rendre maître de l'ennemi
    • subigo, is, ere, egi, actum, est un composé de ago et signifie mettre dessous, soumettre, utilisé dans l'agriculture pour le boeuf que l'on met sous le joug.
      dicio, onis, f. : terme de droit, parole, formule de commandement, d'où commandement, autorité, de la racine dic, "montrer", qui s'est spécialisée en latin dans le sens de "montrer par la parole", donc, "dire".
    • perdomo, as, are, ui, itum a le sens de domare, dompter, apprivoiser, renforcé par le préverbe per-. Le français "dompter" est issu du verbe plus récent domitare.
    • uinco, is, ere, uici, uictum : vaincre, de la racine vic, combattre, indique plus particulièrement le résultat du combat. En français, "vainqueur", "invincible"...
    • captus, a, um : participe passé de capio, prendre ; en français, "capturer","captif", "capter"...
  • Ecraser l'ennemi
    • clades, is, f. : c'est la destruction, le désastre que subit l'ennemi vaincu, tandis que caedes (cf. infra, caedo) est plutôt employé pour le désastre qu'inflige le vainqueur. Le terme est omniprésent chez Tite-Live ; il revient comme un leitmotiv dans le discours de Scipion. On trouvera clades et caedes dans le même paragraphe, pour qualifier le désastre de Trasimène, texte 3.
    • occido, is, ere, occidi, occisum : abattre, tuer, est un composé de caedo, battre d'où occidio (ou occisio), onis, f : massacre
    • uro, is, ere, ussi, ustum, signifie brûler, aux sens propre et figuré, physique et moral.
    • ardeo, es, ere, arsi, arsum : brûler, se rattache à areo, être sec mais a perdu ce sens, comme ardor qui ne signifie plus que chaleur ardente ; c'est ariditas qui a pris le sens de sécheresse. En français, "ardeur", "ardent"...
    • populo, as, are, avi, atum, qui existe aussi sous la forme du déponent depopulor (cf. texte 3), signifie ravager.
    • exscindo, is, ere, excidi, excissum : détruire, mettre en pièces est composé du verbe scindo, "fendre", puis "déchirer", "arracher", renforcé par le préverbe ex- qui marque l'achèvement de l'action.
    • semirutus, a, um : à demi écroulé, est un terme littéraire, composé de semi-, "demi" et du participe de ruo, "renverser".

 

 

Bibliographie

Les fiches de vocabulaire ont été réalisées à l'aide des ouvrages suivants :

  • J. Cellard, Les Racines grecques du vocabulaire français, Duculot, 1989 ; Les Racines latines du vocabulaire français, Duculot, 1989.
  • F. Martin, Les Mots grecs, Hachette, 1937 ; Les Mots latins, Hachette, 1976.
  • P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, 1984.
  • A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Klincksieck, 1985.